Comment ils sont entrés dans un groupe. Comment ils en sont sortis.*

Ça a commencé dans le free jazz d'Expo 67

«J'ai rencontré Walter Boudreau à Terre des Hommes en 1967. À cette époque-là, Walter jouait du saxophone dans un trio jazz, avec Jacques Valois à la basse et Pierre Leduc au piano. Il y avait des soirées de poésie organisées au Pavillon de la jeunesse et les poètes qui venaient réciter leurs poèmes avaient le choix de profiter de son trio ou non.

«Moi aussi, j'aimais déjà beaucoup le jazz. Une partie de ma conscience politique m'est venue par cette musique, à cause de la situation des Noirs et du Black Power. Je jouais de la trompette. Alors bien sûr, j'ai choisi de jouer avec le trio. Déjà, dans ce temps-là, je faisais des folies, avec des costumes flyés pis toute. Alors Walter et moi, on a pogné le kick. On était deux intenses. J'étais très impressionné par son sax. C'était un ostie de saxophoniste, tout imbu de Coltrane. Je suis resté après et on est allés prendre une bière. Puis on s'est rencontrés de nouveau.

«Dans les détails, ce n'est pas clair. Ça fait quand même 50 ans ! Mais on peut dire que la fondation de l'Infonie s'est faite là. Par l'esprit qu'on avait, qu'on partageait, qui était celui du free jazz. Et qui, contrairement à Refus global, avait comme philosophie l'acceptation totale et la liberté totale.»

Bye!

Ça s'est fini par un strio-tease

«Plus ça allait, plus on allait exactement à l'envers l'un de l'autre. En 1972, Walter était devenu de plus en plus exigeant. Il avait découvert la musique contemporaine et avait commencé des études sérieuses dans ce domaine. Il se dirigeait vers une musique de plus en plus songée, de plus en plus savante, abstraite, pour un public averti, et moi vers une poésie de plus en plus comestible. Ça a causé des frictions.

«Je commençais à chanter en solo... Et plus j'étais connu, plus j'étais demandé. Pour moi, c'était plus payant que l'Infonie et je commençais à avoir une certaine autonomie financière. Il fallait que je gagne ma vie. À un moment donné, j'ai pris des musiciens de l'Infonie pour m'accompagner et je crois que ça a blessé Walter. Il était déçu que je ne l'aie pas inclus dans ça, que je ne l'aie pas averti. Il y a eu un quiproquo. Je ne sais pas exactement, parce qu'on n'en a jamais reparlé. Mais je sais que ça l'avait marqué.

«On a joué encore ensemble, encore un peu. Le dernier spectacle que j'ai fait avec l'Infonie, c'était un strip-tease de tous mes costumes au centre sportif de l'Université de Montréal. J'avais mon panache de chevreuil, mes peaux de mouton. Je me départais de tout, je changeais de peau en quelque sorte. J'avais déjà écrit Le voyage et Touttt est au boutttt. Je venais de commencer écrire La bitt à Tibi. Je me suffisais à moi-même.

«Le groupe n'a pas existé très longtemps après mon départ. La plupart des musiciens n'avaient plus les compétences pour jouer la musique de Walter, qui était devenue très exigeante. Et puis le gros trip de l'Infonie, probablement qu'on l'avait tous vécu. Chacun prenait son bord. C'était naturel.

«On s'est retrouvés dans d'autres circonstances. On a oublié ça. On ne s'est jamais lâchés. Notre relation est aujourd'hui très bonne. On a travaillé beaucoup ensemble dans différents projets impliquant la SMCQ [Société de musique contemporaine du Québec, dont Boudreau est le directeur] comme Golgot(h)a, In C et Le voyage.»

Toujours vivant

Raôul Duguay est toujours occupé à 333 affaires. Il travaille sur L'Étoile, projet intégrant peinture, sculpture, poésie et musique; «l'oeuvre de ma vie», dit-il. Devenu l'incarnation de la contre-culture québécoise des années 60 et 70, il vient de participer au coffret de l'ONF Flower Power - La contre-culture au Québec ainsi qu'à deux ouvrages universitaires lancés au cours de la dernière année. L'homme de scène, lui, n'a pas dit son dernier mot, que ce soit comme chanteur, poète ou pataphysicien. Il sera à la Nuit de la poésie de Saint-Venant les 13 et 14 août et au Petit Champlain le 13 octobre, dans une conférence spectacle sur la contre-culture.

* Une série librement inspirée du magazine Mojo.