Peu de gens de l'industrie osent critiquer le modèle de subventions actuel. Personne ne refuserait une subvention, alors il vaut mieux ne pas les remettre en question. Or, même Monique Simard, présidente et chef de la direction de la SODEC, veut revoir les programmes d'aide qui favorisent surtout la production d'albums plutôt que leur mise en marché.

Comment ça marche?

Au Québec, les différentes subventions - destinées pour la plupart aux projets francophones - sont surtout remises aux étiquettes de disques et non aux artistes. Musicaction (Factor en anglais) et le Fonds RadioStar financent respectivement la production et la promotion d'albums complets. Sinon, la SODEC offre des programmes d'aide à l'exportation, d'aide financière et de crédits d'impôt.

Musicaction (tout comme le Fonds RadioStar) a une liste de «producteurs reconnus» qui ont notamment droit à une enveloppe minimale annuelle de 75 000 $ pour des premiers albums. Au fédéral, le Volet entrepreneurs de la musique (VEM) est aussi fort généreux pour les entreprises reconnues.

Un système compliqué

À voir la liste des bourses offertes en 2014-2015 par Musicaction, on peut constater que certains artistes préfèrent financer eux-mêmes la production de leur album. Ils reçoivent alors directement la subvention et leur album est distribué sous licence.

Il existe de nombreuses catégories de subventions remises aux différents acteurs de l'industrie: soutien à l'émergence, aide aux auteurs-compositeurs, gérance, démarchage, production, commercialisation et promotion de titres.

Favoriser la mise en marché

À l'ère des EP (microalbums) numériques, il est dommage de voir un album complet subventionné (parfois à hauteur de 100 000 $) passer inaperçu. «Je dis souvent à la blague que, si on veut se faire frapper, il faut se mettre dans le trafic, lance Monique Simard, présidente et chef de la direction de la SODEC. Il faut être mieux équipé pour faire de la promotion et du marketing.»

Quand Monique Simard a pris la tête de la SODEC, elle a constaté que les modèles de subventions favorisaient trop la production et pas assez la mise en marché. Elle souhaite par ailleurs concevoir des outils et des algorithmes qui permettent de mieux saisir les goûts des gens. «C'est le nerf de la guerre», dit-elle.

C'est pourquoi Mme Simard a annoncé une révision des programmes de la SODEC en marge de celle de la politique culturelle entreprise par Québec.

Un modèle désuet

Isabelle Ouimet, qui a fondé la boîte de promotion et de relations publiques La Royale Électrique après avoir multiplié les boulots dans le domaine de la musique (Bonsound, Spectra), affirme que «le modèle de subventions n'est pas adapté à la réalité d'aujourd'hui». Elle regrette de voir des étiquettes rentables empocher des subventions de milliers de dollars. «Il devrait y avoir un plafond.»

Le fait que de plus en plus d'artistes confient la commercialisation (étiquette, mise en marché, spectacles) à différents intervenants vient aussi créer des doublons dans les subventions remises.

«Quel est le but de la subvention? La question mérite d'être posée, lance-t-elle. Il faut plutôt développer des artistes qui n'ont pas d'acquis de visibilité.»

Autant d'albums qu'avant

«Nous n'avons jamais eu de pénurie de création», se console pour sa part Solange Drouin, directrice générale de l'ADISQ. Il sort autant d'albums, sinon plus, qu'il y a 15 ans. «Mais les revenus diminuent. Les gens font de la musique parce qu'ils sont passionnés, mais tous les acteurs de la chaîne ne peuvent plus en vivre à 100 %.»

Photo ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, Archives LA PRESSE

Monique Simard, présidente et chef de la direction de la SODEC