La musique hip-hop est souvent critiquée pour ses relents homophobes et misogynes, mais il existe des rappeurs qui s'éloignent de ces stéréotypes machos. L'un d'eux, le New-Yorkais Le1f, est en spectacle ce soir à Montréal.

Découvert par le grand public après son passage en 2014 sur le plateau de David Letterman, Le1f (que l'on prononce en anglais « leaf ») est décrit par le New York Times comme un artiste « subversif de plus en plus influent ».

Subversif, dit-on, car il chante dans le clip de Wut en se dandinant sur un homme musclé au torse huilé, portant un masque de Pikachu.

Depuis la parution de son premier EP, Le1f est décrit par la critique comme une icône du rap gai, étiquette qu'il assume et déplore à la fois.

« C'est vrai, j'ai pas mal de reconnaissance parce que je suis homo, mais je préfère être considéré comme un musicien à part entière. Lisez le portrait du New York Times. Ça fait plaisir, mais on ne sait pas à quoi ressemble ma musique ! C'est un peu frustrant », a-t-il affirmé à 20 minutes, en France.

LE HIP-HOP OUVERT AUX DIFFÉRENTS GENRES

Pour certains rappeurs homosexuels, l'étiquette de « gai » peut devenir pesante, analyse la rappeuse montréalaise de formation jazz Hua Li (de son vrai nom Peggy Hogan).

« C'est parfois plus difficile pour certains hommes qui font leur coming out alors qu'ils ont déjà une carrière établie, comme Frank Ocean. On parle maintenant de lui en se référant à sa sexualité », explique à La Presse la musicienne qui se réclame du mouvement « queer » - un terme qui englobe les personnes dont l'identité sexuelle et de genre n'est pas hétérosexuelle.

Selon Hua Li, malgré la popularité de certains artistes dont les paroles peuvent être qualifiées d'« homophobes et [de] misogynes », le hip-hop est un genre musical ouvert à la diversité des genres.

« Rappelons-nous que le hip-hop est né dans le Bronx, à New York, à une époque où le maire et les autorités gouvernementales ignoraient complètement ce quartier. Des jeunes se sont rassemblés, ont créé leur propre culture, leur propre environnement de liberté, alors qu'ils n'avaient aucun soutien », explique Hua Li.

« Historiquement, le hip-hop est ouvert à la création de nouvelles identités et c'est malheureux que le public considère parfois ce genre musical comme homophobe et misogyne », ajoute Hua Li.

UNE OUVERTURE DE PLUS EN PLUS AFFICHÉE

Quand les scènes hip-hop et techno parviennent à se tailler une place dans les médias nationaux, ce sont souvent des artistes comme Action Bronson qui défraient la chronique pour leurs chansons aux paroles misogynes et homophobes. L'été dernier, le rappeur new-yorkais a dû annuler un concert prévu à Osheaga, à Montréal, après que des citoyens ont lancé une pétition dénonçant sa venue.

Mais avec l'émancipation (et le succès) d'artistes comme Le1f, Mykki Blanco, Big Freedia, Angel Haze, Cakes da Killa, Frank Ocean et d'autres, sortir du placard est moins tabou. Le plus récent coming out est celui de Louis Kevin Célestin, mieux connu sous le pseudonyme de Kaytranada, un DJ et producteur québécois de réputation internationale dont le premier album doit sortir en mai.

Cette semaine, en entrevue avec le magazine new-yorkais The Fader, le jeune artiste d'origine haïtienne, qui vit à Saint-Hubert, a révélé qu'il était homosexuel, attribuant certains problèmes de création au fait qu'il ne s'avouait pas sa véritable identité.

« J'essayais d'être quelqu'un que je n'étais pas, et j'étais frustré que les gens ignorent qui j'étais », a-t-il expliqué au journaliste de The Fader.

Kaytranada, qui a signé en 2014 avec le même label que M.I.A. et Adele, XL Recordings, ne sait toutefois pas s'il veut qu'on lui accole l'étiquette de « gai ».

« Je ne me dis pas hétéro, je ne me dis pas gai, je suis tout simplement moi. Mais dans le fond, j'imagine, ça veut dire que je suis gai », a décalré Kaytranada en entrevue avec The Fader.

Qu'il s'affiche gai ou pas, son succès - tout comme celui de Le1f, en spectacle ce soir au Belmont - est un signe que les mentalités changent, même dans l'univers très masculin du techno et du rap.