L'histoire de Robby Johnson est digne d'un film. Issu d'une famille monoparentale pauvre, ce Beauceron, représentant des ventes, n'avait jamais imaginé pouvoir vivre de la chanson. Et puis, il y a trois ans, il a reçu l'appel d'un producteur de Nashville qui l'invitait à chanter dans la cour des grands. Rencontre avec cet artiste country qui vient de lancer son premier album, Don't Look Back.

JOHNSON ET JOHNSON

Par pur hasard, Daniel Johnson et Robby Johnson se sont rencontrés sur l'achalandé boulevard Broadway à Nashville. L'ancien premier ministre du Québec, en road trip avec sa femme, a proposé au chanteur québécois de les retrouver en fin de soirée, autour d'un verre et d'une pizza. Voici un aperçu de cette rencontre, dont La Presse a été témoin.

DANIEL JOHNSON : C'était intéressant de découvrir un talent de chez nous qui vient se développer ici. Quand on voit l'infrastructure qu'il y a ici, j'imagine que c'est ça qui vous a attiré.

ROBBY JOHNSON : Mon rêve était de percer dans le country et il n'y a pas de meilleur endroit [pour y arriver] que Nashville. C'est ici que se trouvent les meilleurs musiciens et les meilleurs auteurs-compositeurs.

D. J. : Il y a beaucoup de sacrifices à faire, j'imagine. Comme dans n'importe quoi, j'imagine qu'on doit mettre le focus à 100 % là-dessus. Avec la concurrence qu'il y a ici, ça ne peut pas être à 90 %.

R. J. : Oui, c'est à 100 %. Et il faut toujours persévérer. Ce sont les gens persévérants qui réussissent à percer dans la musique.

D. J. : Si on se projette dans l'avenir, quand allez-vous trouver que vous avez accompli ce que vous vouliez faire ?

R. J. : Je vais avoir réussi quand je vais faire partie de la vie des gens, quand je vais être leur trame sonore. C'est ça, mon rêve. Je ne fais pas ça dans le but d'être aimé par un grand nombre de personnes. Moi, j'ai vraiment envie de dire aux gens que ma jeunesse n'a pas été facile, que ma vie a été difficile et que je comprends ainsi ce que plusieurs vivent. C'est ma manière de les soutenir, de leur dire qu'ils ne sont pas seuls. La télévision et la musique américaines m'ont accompagné toute mon enfance. J'ai pratiquement été élevé par ça. Je veux redonner.

D. J. : Ce n'est donc pas uniquement pour l'entertainment, comme on dirait. Vous cherchez à faire vivre des émotions.

R. J. : Oui, c'est pour les émotions et pour livrer des messages. C'est pour ça que je fais de la musique country. Parce qu'elle est porteuse de paroles puissantes.

D. J. : C'est très concret, le country. Un chanteur peut expliquer qu'il s'est levé un matin et qu'il lui est arrivé un malheur. Il se demande comment il va vivre avec ça, comment ça va affecter le reste de sa journée ou de son année. Et la clé de tout ça est souvent l'espoir.

R. J. : Oui, beaucoup d'espoir et de foi.

D. J. : D'expérience, aussi. Les Beaucerons n'ont pas froid aux yeux, ils sont très déterminés, très entrepreneurs. Il y a plusieurs débouchés pour un entrepreneur, y compris ce que vous faites. Mais si vous n'aviez pas été là où vous êtes maintenant, qu'est-ce que vous auriez aimé faire ?

R. J. : Je ne dis pas ça pour vous faire plaisir, mais j'aurais beaucoup aimé faire de la politique. Changer le monde, c'est quelque chose qui me passionne, qui m'anime.

D. J. : Vu la manière dont vous m'expliquez comment vous avez écouté de la musique dans votre jeunesse, un peu comme un guide, ça ne me surprend pas. Et maintenant, c'est aussi ce que vous voulez faire pour les gens : les inspirer. C'est évidemment un des aspects de la politique. Avoir une influence dans la vie des gens, influencer le cours des choses.

R. J. : C'est ça. C'est vraiment le fait de laisser son empreinte, de ne pas se laisser guider par la vie, mais d'essayer d'y apporter quelque chose.

D. J. : C'est le Parti du bonheur qui va vous attirer ! (rires)

R. J. : Et vous, je sais que vous êtes avocat de profession et que vous avez fait beaucoup de politique. Mais est-ce qu'il y a un autre métier que vous aimeriez faire ?

D. J. : Ma femme me dit souvent qu'elle va finir par me payer des leçons pour jouer d'un instrument. C'est quelque chose que j'aimerais sans doute faire. Soit d'apprendre un instrument comme il le faut, soit de me documenter davantage sur la musique. Par exemple, je suis fasciné par le côté neurologique et neuroscientifique des sons et de l'harmonie, par leur apport à l'être humain.

LES JALONS D'UNE CARRIÈRE

DÉCEMBRE 2012

Après avoir reçu en cadeau de sa conjointe l'enregistrement d'une maquette, Sylvain Robitaille se rend au studio Show Media à Montréal pour enregistrer une chanson qu'il a composée, I'll Be There (Rockin' & Rollin') : « Je ne voulais vraiment pas y aller, mais, finalement, ce fut une révélation. C'est ça que je voulais faire de ma vie », a confié le chanteur à La Presse.

MARS 2013

Pendant quelques mois, Pier-Anne Lachance tente de convaincre son conjoint de mettre la chanson sur les réseaux sociaux. Le Beauceron finit par accepter lorsqu'elle mentionne qu'ils peuvent le faire sous un pseudonyme. « J'aimais l'idée d'une double identité. Au cas où ça ne fonctionnerait pas », explique le chanteur country. Robby Johnson est né.

MAI 2013

La chanson est populaire sur les réseaux sociaux. Robby Johnson commence même à recevoir des offres de producteurs. « Plusieurs n'avaient aucun sens, par contre », dit Pier-Anne Lachance, avocate de profession. Mais celle du producteur Jimmy Nichols (Tim McGraw, Faith Hill) attire leur attention. Ils vont le rencontrer à Nashville.

SEPTEMBRE 2013

Robby multiplie les allers-retours Nashville-Québec jusqu'à ce que quelqu'un lui dise : « Si tu viens à Nashville juste une semaine par mois, ça ne vaut absolument rien. Parce qu'il y en a des milliers, des personnes qui font ça. On aide ceux qui sont ici à 100 % », raconte Robby. Il déménage alors aux États-Unis avec sa femme et ses deux enfants.

NOVEMBRE 2013

Robby et Pier-Anne décident de produire le vidéoclip South of Me. Ils investissent leur argent dans ce projet, puisqu'ils croient qu'il leur offrira une belle visibilité. Ils ne se sont pas trompés : la chanson atteint le top 20 country aux États-Unis, et le vidéoclip est visionné près de 3 millions de fois sur YouTube.

AOÛT 2014

Robby Johnson interprète son extrait South Of Me au Late Show de David Letterman. « Jusqu'à la dernière minute, je me disais que ce n'était pas possible qu'il m'invite. J'étais certain qu'il annulerait ma présence à l'émission », mentionne le chanteur à propos de son apparition au populaire talk-show.

JUILLET 2015

Le passage de Robby Johnson au Festival d'été de Québec est un de ses précieux souvenirs. Il a précédé sur scène la vedette du country Keith Urban, sur les plaines d'Abraham. D'après les responsables du festival, il a alors battu le record d'assistance pour une première partie, avec une foule de près de 20 000 personnes.

JANVIER 2016

Depuis janvier, l'album Don't Look Back de Robby Johnson est en vente aux États-Unis. Cet opus a été choisi parmi les 12 coups de coeur du célèbre magazine américain People du mois de janvier. « Son premier album est rafraîchissant et aussi séduisant que le chanteur », peut-on y lire.

MARS 2016 

Touchée par l'histoire de Robby Johnson, la chaîne McDonald's a décidé de le mettre en vedette dans une publicité diffusée au Canada, en anglais et en français. « McDonald a vraiment changé ma vie. Avant, je m'isolais beaucoup parce que je n'avais pas d'argent pour me payer des vêtements, pour sortir, aller au restaurant. Lorsque j'ai commencé à travailler au McDo, j'ai pu commencer à ressembler aux autres », dit le principal intéressé. La publicité a été tournée à Saint-Georges en Beauce.