C'est dans un brûlant mélange de chants yéménites ancestraux et de rythmes hip-hop que les trois soeurs israéliennes du groupe A-WA enflamment en langue arabe aussi bien Israéliens qu'Arabes et Européens.

Telles des héroïnes modernes des contes des Mille et une nuits, robes brodées traditionnelles et baskets clinquantes aux pieds, les trois soeurs recréent à chaque concert l'ambiance énergisante d'une nouba du désert.

«On appartient à une tribu ancestrale, celle de nos grands-parents qui ont quitté le Yémen pour émigrer en Israël», explique à l'AFP Tair Haim, 32 ans, l'aînée du trio formé avec Liron, 30 ans, et Tagel, 26 ans.

Les trois chanteuses ont grandi dans un village désertique du sud d'Israël. Elles ont déniché leur trésor musical dans une malle à souvenirs immatérielle: des chants folkloriques transmis à l'oral, de génération en génération, par les femmes de la famille.

«C'est à une cérémonie de henné (rituel des mariages dans le monde arabe, juif et musulman, ndlr) que j'ai entendu pour la première fois, enfant, cette musique traditionnelle yéménite. Je me suis alors passionnée pour cette tradition, j'apprenais des chansons par coeur, je savais que je voulais en faire quelque chose», se souvient Tair Haim.

En 1949 et 1950, la quasi-totalité des juifs du Yémen, soit quelque 45 000 personnes, ont été exfiltrés vers le tout jeune État d'Israël, lors d'une opération clandestine baptisée «Tapis Volant».

La scène culturelle israélienne, aussi bien musicale que cinématographique ou littéraire, est marquée depuis quelques années par une tendance à un retour aux racines arabes pour des artistes de la «troisième génération» d'immigrés juifs venus du Yémen ou du Maroc. Ces artistes s'attachent à montrer que les identités arabe et juive se complètent plus qu'elles ne s'opposent.

«Vent frais du désert»

Au printemps 2015, A-WA a mis en ligne le clip du futur succès Habib Galbi (L'amour de mon coeur, en arabe).

Les trois soeurs n'ont pas dit qu'elles étaient juives israéliennes, ni expliqué pourquoi elles portaient dans le clip un voile flashy sur leur chevelure de jais.

«On voulait que les gens viennent à nous l'esprit ouvert, en écrivant quelque chose comme: «Nous vous apportons le vent frais du désert du Yémen»», se souvient Tair.

En une chanson, le charme d'A-WA (prononcé «Aïwa», qui veut dire «oui» en arabe) a opéré.

La radio militaire israélienne, la plus écoutée du pays, en a fait le tube de l'été dans l'État hébreu. Une première pour une chanson arabe.

Dans les mariages, les discothèques, en voiture, les Israéliens fredonnent le refrain entêtant d'Habib Galbi et s'essayent à la danse du clip, un mélange de danse folklorique arabe et de break-dance.

Avec plus de deux millions de vues sur internet, le groupe est fier d'être écouté aussi dans le monde arabe.

«C'est incroyable qu'on ait autant de fans dans le monde arabe, tous ces messages qu'on reçoit», s'emballe Liron, la benjamine, qui dit aimer répondre à ce public habituellement frileux vis-à-vis des artistes israéliens.

En Europe, les festivals de musique et les radios musicales ont repéré depuis quelques mois l'intriguant trio féminin, qui se définit comme un «choeur israélo-yéménite». Depuis, les trois soeurs, dont les deux plus jeunes vivent ensemble en colocation à Tel-Aviv, multiplient les tournées à l'étranger.

«On a des moments télépathiques sur scène, c'est comme quand on était petites et qu'on jouait ensemble», assure Liron.

Le groupe A-WA emboîte le pas à quelques grands succès israéliens: la chanteuse transsexuelle Dana International dans les années 1990, puis Asaf Avidan, le «Janis Joplin israélien», la chanteuse Yaël Naïm ou même l'autre grande voix israélienne d'origine yéménite, Achinoam Nini, plus connue sous le nom de «Noa».