Il y a 30 ans, le raï arrivait d'Algérie pour faire danser la France et le monde. Un anniversaire célébré en grande pompe pour tenter de remettre au goût du jour une musique synonyme, selon ses promoteurs, du «bien-vivre ensemble».

«La philosophie du raï, c'est liberté, égalité, fraternité... et danse», assure à l'AFP Rachid Taha, l'une des figures de proue de ce courant musical célébré par la sortie vendredi d'un coffret de cinq CD. Un avant-goût d'un concert géant de cinq heures le 29 janvier au Zénith de Paris.

Avec ses compères Khaled et Faudel, Rachid Taha avait attiré 16 000 personnes dans la salle de concert parisienne de Bercy en septembre 1998 pour 1, 2, 3... Soleil. Ce concert avait marqué l'apogée du raï dans une France «black-blanc-beur», encore éblouie par les deux buts de Zinédine Zidane en finale de la Coupe du monde de football.

À cette époque, le raï est en haut de l'affiche, comme le rock, la pop ou le rap. En France, mais aussi à l'international avec des porte-drapeaux comme Cheb Mami, «premier chanteur raï à s'être produit aux États-Unis», rappelle le journaliste Rabah Mezouane, spécialiste de cette musique, dans le coffret. Un Cheb Mami qu'on entendra plus tard chanter en duo avec des sommités comme Sting ou Zucchero.

C'est au milieu des années 80 que le raï explose: sous l'influence de «Chebs» (jeunes), cette musique traditionnelle algérienne de la région d'Oran se modernise et s'électrifie. Après un premier festival raï à Oran en 1985, elle débarque en France à l'occasion d'un festival en banlieue de Paris en janvier 1986.

En quelques années, le raï élargit son public, intéresse les grandes maisons de disques et se trouve des stars. Cheb Khaled devient le premier maghrébin à entrer au Top 50 au début des années 90 avec son succes Didi, chanson pour laquelle il a toutefois été récemment condamné pour plagiat.

«Il manquait un Zapata»

Le coffret «les 30 ans du raï» retrace cette histoire à travers 100 chansons, avec trois CD pour chaque décennie, un quatrième consacré au «raï au féminin et duos» et un dernier à la «nouvelle génération».

Au cours des années 2000, le raï a peu à peu disparu des grands plateaux de télévision et retrouvé son public plus confidentiel des débuts. Il y a eu quelques sorties de routes, comme la condamnation de Cheb Mami pour violences envers sa compagne, la montée en puissance des musiques urbaines (rap et Rythm'n'Blues) mais aussi, selon le producteur Michel Lévy, les conséquences durables du «11 septembre» 2001: «C'est presque impossible aujourd'hui d'essayer d'avoir un visa pour un artiste arabe pour aller chanter aux États-Unis», dit ce professionnel.

«On avait une armée mexicaine, mais il manquait un Zapata», reconnaît Rachid Taha au sujet de cette scène aujourd'hui moins en vue mais encore très active, notamment dans le réseau des bars à chicha.

Pour l'ancien chanteur du groupe de rock Carte de séjour, le concert du Zénith peut contribuer à redonner des couleurs à ce courant musical.

«On a besoin de cette musique aujourd'hui: si on avait mis en avant le raï, ses chanteurs, ses musiciens et ses danseurs, plutôt que les imams, on n'en serait pas là! Alors on va rattraper le coup», espère la tête d'affiche de la soirée qui doit réunir plus d'une cinquantaine d'artistes.

«Cette musique a encore une acuité avec ce qui se passe», confirme Michel Levy. «Le raï a été la musique du bien vivre ensemble pendant des années, les artistes ont envie qu'elle le redevienne.»

Khaled et Faudel ne figurent pas sur la liste des participants tenue à jour sur la page Facebook de l'événement, mais «tout est possible dans le raï», précisent les organisateurs.