Pour souligner l'ouverture de l'Igloofest, qui se déploie sur quatre week-ends consécutifs à compter de jeudi, La Presse met de l'avant un concentré berlinois de cette programmation 2016: issus de la capitale mondiale de l'électro, Paul Kalkbrenner, Siriusmo, Modeselektor, Shed et Benjamin Damage feront danser sous zéro les «igloofestivaliers».

Depuis la sortie de Berlin Calling, ce film dans lequel il campe le rôle principal et dont il signe la bande originale, Paul Kalkbrenner est considéré comme un artiste emblématique de l'électro berlinoise. Lancé fin 2008, Berlin Calling met en scène la culture technoïde de la ville allemande à travers Ickarus, musicien en proie à des problèmes psychiatriques reliés à sa dépendance aux drogues dures.

Kalkbrenner était déjà un DJ-réalisateur respecté lorsqu'on lui a offert le premier rôle de Berlin Calling. Fait sur mesure pour son personnage (en excluant la dépendance), ce film évoque l'explosion de la musique électronique dans les années 1990-2000 à Berlin.

«Oui, convient-il, j'ai vécu cet âge d'or de l'électro berlinoise, un peu comme certains ont vécu l'époque disco du Studio 54 à New York. Aujourd'hui, le temps d'un week-end, on vient à Berlin pour revivre cette époque illustrée dans le film. On peut qualifier ce phénomène de techno-tourisme... Or, cette époque est derrière nous : les lieux ont changé, la scène électronique s'est diversifiée, une partie de l'offre musicale s'est commercialisée. Les musiques électroniques les plus prévisibles y côtoient les plus créatives. Mais, chose certaine, il y a encore de la vie dans cette ville.»

Ni commercial ni expérimental

On devine qu'un artiste de cette stature ne se sent pas tenu de suivre de près l'actualité de toutes ces scènes électroniques berlinoises.

«J'ai le luxe de pouvoir travailler et vivre intensément, de voyager de par le monde sans me préoccuper de ce que font mes collègues. Cela me permet aussi d'éviter un maximum de frime...»

Photo fournie par Igloofest

Porte-étendard de la culture électro berlinoise, Paul Kalkbrenner ne se voit ni comme un artiste commercial, ni comme un artiste expérimental.

Où se situe donc Paul Kalkbrenner? Il ne se voit ni comme un artiste commercial ni comme un artiste expérimental.

«Je m'efforce toujours de rester mélodique. L'idée que je me fais de la musique électronique ne peut plus se limiter à la percussion, au rythme le plus cru. En gagnant de l'expérience, j'ai réalisé que la musique se communiquait d'abord par la mélodie. Un bon film ne porte-t-il pas les éléments d'une histoire d'amour? Il en est de même pour la mélodie en musique.

«Comme tant de réalisateurs technos, ajoute-t-il, j'ai commencé dans ce métier en niant l'importance de la mélodie. J'adhérais à cette attitude prétendue anti-commerciale, rebelle... somme toute adolescente. Or, j'avais déjà enregistré des pistes de musique électronique avec de la mélodie que j'avais mises au rancart. Récemment, j'ai redécouvert ce travail qui, je crois, pourrait faire l'affaire maintenant!»

Intègre malgré tout

À la fin de la trentaine, Paul Kalkbrenner dit néanmoins rester fidèle à l'esthétique techno dont il est issu.

«Je m'intéresse aux sons, fréquences et textures rythmiques issus de la techno actuelle, à l'évolution de ses caractéristiques de production. Je tente également de me tenir loin des nouveaux clichés de la musique électronique, de cet EDM de mauvais goût, prisé par le public de masse, surtout en Amérique du Nord.»

Même s'il tend à un style plus mélodique, plus sensuel que peut l'être la techno germanique, le musicien berlinois ne cherche pas les hybrides.

«Par exemple, les voix de mon album 7 ont été repiquées dans des enregistrements réalisés en 1981, 1979 ou 1967. Sony Music m'a permis de les utiliser. À vrai dire, je n'aime pas côtoyer des musiciens en studio. Ni chanteurs ni instrumentistes. D'ailleurs, je confie avoir fait un compromis en utilisant la voix humaine dans cet album, car je préfère la musique strictement instrumentale. Je l'ai fait à la demande de Sony Music, puisque la radio nord-américaine diffuse des chansons avec voix. Enfin... j'estime que cet album demeure intègre malgré ces parenthèses.»

Différent d'un soir à l'autre

Sur scène, Paul Kalkbrenner dispose d'outils qui lui permettent de remixer en direct chaque piste de ses enregistrements studio. «Dans cette optique, je tiens à offrir une performance différente chaque fois que je me présente devant un nouveau public.»

Expérience distincte d'une soirée à l'autre, certes, mais jamais de bouleversements à l'agenda de Paul Kalkbrenner.

«Grosso modo, je m'améliore lentement et sûrement, mais je ne change jamais mon approche. Je ne cherche pas quelque chose d'absolument neuf. De mieux en mieux, selon différentes variations, je raconte cette même histoire.»

Sur la scène Sapporo le 15 janvier à 22 h 30, dans le cadre de l'Igloofest

MODESELEKTOR

Sous la bannière Modeselektor, le duo que forment Gernot Bronsert et Sebastian Szary depuis les années 90 est un incontournable de l'électro berlinoise. Ils ont imposé plusieurs productions importantes sous leur label Bpitch Control avant de fonder le label éphémère 50WEAPONS, dont le projet de lancer 50 enregistrements arrive à terme. On se souvient d'une rencontre très réussie de Modeselektor avec Apparat, en 2009 - le trio se nommait alors Moderat. On retient également le projet audiovisuel Pfadselektor, créé de concert avec Pfadfinderei.

Jeudi 4 février, scène Sapporo, 22 h 15

photo fournie par l'igloofest

Modeselektor se produira en DJ set le 4 février, à 22 h 15. 

SIRIUSMODESELEKTOR

Siriusmodeselektor est constitué du fameux tandem de Berlin, auquel se joint Moritz Friedrich, alias Siriusmo. Artiste multidisciplinaire, ce natif de Berlin est peintre, illustrateur, infographiste (il a conçu moult pochettes d'albums) et travaille même dans la construction à ses heures, en plus d'être compositeur et réalisateur de musique électronique. Il s'est fait connaître au sein d'un groupe nommé Sirius, auquel il a juxtaposé son diminutif (Mo). Sa musique se situe au confluent des genres électros, préconisant un mélange ou alternance de techno, house, grime, hip-hop, dubstep.

Jeudi 4 février, scène Sapporo, 21 h

Photo Birgit Kaulfuss, fournie par l’Igloofest

Le producteur Siriusmo s’ajoutera au duo Modeselektor pour créer la formation Siriusmodeselektor. 

SHED

René Pawlowitz, 40 ans, est originaire de l'Allemagne de l'Est et réside à Berlin depuis 2002. Artiste de haute tenue, il pratique la musique électro depuis les années 90. Lancé en 2008 sous étiquette Ostgut Ton, son Shedding the Past a été consacré album de l'année par le respecté Resident Advisor. À l'instar de plusieurs DJ et réalisateurs électros, il a fondé son propre label, Soloaction Records, sans exclure les participations à d'autres étiquettes dont 50WEAPONS, chez qui il a lancé l'album The Killer en 2012. Un artiste très singulier, dont les productions à forte teneur techno excluent tout suivisme.

Jeudi 4 février, scène Vidéotron Mobile, 20 h

Photo fournie par l’Igloofest

René Pawlowitz, alias Shed, se produira le 4 février à 20 h. 

BENJAMIN DAMAGE

Comme des centaines d'artistes venus de l'étranger, le Britannique Benjamin Damage a choisi de vivre à Berlin pour l'émulation que procure la capitale européenne de l'électro. Depuis 2010, cet artiste d'allégeance techno enregistre chez 50WEAPONS. Les amateurs les plus fervents se souviennent de sa pièce Creeper, lancée en 2012. Depuis, le musicien a composé et réalisé deux albums fort intéressants: Heliosphere en 2013 et Obsidian, l'un des meilleurs albums électros de 2015. Benjamin Damage s'est produit dans les plus importants happenings électros, dont Sonar, Melt ! et Movement Detroit. Bientôt l'Igloofest!

Jeudi 4 février, scène Vidéotron Mobile, 22 h

photo tirée de la page facebook de l’artiste

Le Britannique Benjamin Damage a choisi de vivre à Berlin, la capitale européenne de l’électro.