En concerts exceptionnels au Japon la semaine dernière, Julien Doré a déchaîné un improbable mais très réceptif public d'amoureux nippons de la chanson française dont la moyenne d'âge était bien le double du sien.

Au lendemain de son 33e anniversaire fêté dans la capitale japonaise, l'artiste de l'année aux dernières Victoires de la musique était invité à Tokyo et Osaka par Mitsuki Chiba qui oeuvre depuis des décennies à la diffusion de la chanson française au Japon.

Traductrice de dizaines de titres de Barbara qu'elle interprète aussi de temps à autre, cette «madame» - c'est ainsi qu'elle se fait appeler - a découvert le trentenaire Doré en France et est allée directement le voir.

«Je jouais à l'Olympia et quelque chose de magique s'est passé: j'étais avec mes parents et mes musiciens dans ma loge. Mme Chiba est entrée, on nous a présentés et on m'a expliqué qu'elle souhaitait qu'on vienne jouer à Tokyo et Osaka. On a discuté de ces possibles concerts au Japon, et c'est arrivé aujourd'hui», raconte-t-il à l'AFP.

Après les FrancoFolies de Montréal dont il était une star, Julien Doré est un des rares jeunes chanteurs francophones à se voir offrir une scène au Japon, qui plus est pour la deuxième fois.

«J'étais venu accompagner Sylvie Vartan à une soirée de gala» en 2010, se souvient-il.

«On en est à plus de 150 concerts pour l'album Love, on a essayé de faire ressembler ce spectacle à ce qu'il est depuis un an et demi, en profitant de la chance d'avoir pu venir avec toute l'équipe».

Sa prestation en deuxième partie de soirée suivait celle de 16 chanteuses et chanteurs du «Salon de musique Barbara».

Cette troupe d'artistes créée par «madame» Chiba perpétue depuis 16 ans via des récitals à travers le Japon le souvenir de la «dame en noir» et d'autres monuments de la chanson française (Brel, Adamo, Moustaki, Greco, Aznavour...).

Se perdre à Tokyo

«Certains titres du dernier album Love (qualifié de «monologue mélancolique» par le critique japonais Shuhei Ono) parlent de souvenir de Tokyo. Ces chansons ont été construites avec des traces d'un passage ici», confie Julien Doré.

Et parce que les Japonais aiment qu'on les gratifie de petites attentions particulières, il leur a offert La Javanaise de Gainsbourg, en version nippone.

«C'était important pour moi de chanter en japonais. Des gens sont venus me voir, je peux faire cet effort d'apprendre une chanson dans cette langue. C'était un travail nécessaire, une marque de respect». Cet instant fit aimer le jeune Français à ce public plutôt âgé vers lequel il s'est laissé aller.

«La part d'inattendu, je la cherche, s'il n'y en a pas, ça ne m'intéresse pas. Je déteste être rassuré en permanence, je pense qu'il n'y a d'intérêt à prendre cette place d'auteur, compositeur et interprète que si on se remet en question».

«Je me demandais comment la communication du corps pouvait fonctionner, si ce serait possible. Cela a commencé tout doucement et le volume des choeurs est monté dans la salle, c'était très touchant».

«Quand on compose des chansons, on espère les faire voyager».

«Les Japonais, expriment souvent une part de rêve pour la France et Paris, c'est donc assez étrange de leur expliquer que moi, au contraire, j'ai ce rêve de venir chanter à Tokyo et pourquoi pas un jour de pouvoir exister ici».

«C'est une envie parce que j'ai un attachement à ce décalage qui me permet de me perdre».

«Quand on va à l'étranger, on comprend qu'on a une place plus petite qu'on ne l'imagine surtout quand il y a un aussi grand écart culturel.»

«On fait un métier où parfois le succès rassure (...). J'ai toujours besoin d'une mise en danger. Souvent, les voyages permettent de s'oublier soi-même, d'oublier ce qu'on est dans son propre pays, pas en tant que célébrité, mais en tant qu'être humain, tout simplement».