Britt Daniel figure parmi les vétérans de la vague de rock indépendant des années 2000. Son groupe, qui se produit lundi prochain au Corona, n'a jamais causé la déception au fil de ses huit albums. Entrevue avec le musicien d'Austin qui a aussi formé le groupe Divine Fits avec l'ex-Montréalais Dan Boeckner.

Britt Daniel a déjà affirmé en entrevue que certains albums sont destinés à tourner longtemps et que d'autres sont plutôt propices à une écoute introspective. Qu'en est-il de They Want My Soul, le plus récent album de Spoon, sorti en août dernier?

«Il est assez bon et universel pour tourner longtemps, répond Britt Daniel, leader du groupe. J'ai eu l'impression que le disque précédent, Transference, était plus intérieur et à écouter avec un casque d'écoute. Il était plus difficile à transposer en spectacle. Cette fois-ci, on peut jouer toutes les chansons et bien les jouer.»

Nous avons vu le spectacle actuel de Spoon à Paris, en novembre dernier. De quoi nous convaincre de revoir le groupe lundi soir au Corona. Surtout que le plaisir d'écoute de They Want My Soul croît avec l'usage. Des titres comme Rent I Pay, Inside Out et Knock Knock Knock frémissent avec des cordes sensibles savamment écorchées. Et il y a les classiques de Spoon, dont I Turn My Camera On.

Depuis l'automne, Spoon a tourné en Australie et dans plusieurs villes américaines. «Nous sommes malgré tout à la fin de notre tournée, indique Daniel. On pourrait rester sur la route longtemps, mais je veux me remettre bientôt à l'écriture d'un nouvel album.»

Plusieurs membres de Spoon, dont le batteur Jim Eno (qui gère le studio Public Hi-Fi à Austin), ont un talent de réalisateur. Pour la première fois en huit albums, le groupe a néanmoins confié la réalisation d'un de ses opus à une personne externe. Même deux.

Joe Chiccarelli (Morrissey, My Morning Jacket) a commencé le travail sur They Want My Soul, puis Dave Fridmann (ex-Mercury Rev, proche de The Flaming Lips et réalisateur de l'album Oracular Spectacular de MGMT, notamment) a pris le relais.

«Pour Transference [avant-dernier album de Spoon], j'ai enregistré beaucoup de trucs dans le sous-sol de ma maison, à Portland. Il y avait des avantages, mais je me sentais seul et perdu par rapport à ce qui marche et ce qui marche moins. J'aime l'émulation d'idées», laisse entendre Britt Daniel.

Changer de réalisateur en cours de route ne s'est pas avéré une mince affaire. Un «big deal», insiste même Britt Daniel.

«Joe devait faire tout l'album, mais, après la première moitié, nous nous sommes rendus à l'évidence que ce n'était pas un bon jumelage. Il a du talent et il m'a appris des choses, mais Joe trouvait qu'il n'avait pas de tubes et de refrains.»

Avec Dave Fridmann, Spoon en est arrivé à l'album qu'il voulait. Un album au son à la fois concis et brut.

La pause de Divine Fits

Parlant de bonne entente musicale, Britt Daniel a fondé il y a quatre ans un groupe parallèle avec l'ex-Montréalais Dan Boeckner (Wolf Parade, Handsome Furs). Divine Fits, complété par Sam Brown et le claviériste Alex Fischel (qui s'est joint à Spoon depuis) a tourné après avoir lancé un album en 2012.

«Je voulais vraiment former un groupe avec Dan. C'était la seule façon de passer du temps et de jouer avec lui», explique Britt Daniel.

En entrevue en 2012, Boeckner nous a dit que Britt Daniel lui avait presque sauvé la vie après une série de deuils. Une amitié forte unit les deux musiciens qui ont été colocataires à Portland. «Au fait, j'ai vu Dan hier [le 11 juin dernier], lance Britt Daniel. Les membres de Divine Fits étaient réunis. Sam vit à Columbus et Dan était de passage en ville pour leur nouveau groupe Operators.»

Au sein de Divine Fits, Daniel partage avec Boeckner le leadership et le micro principal du groupe. Un soulagement. «Mais aussi du plaisir. Dan est tellement bon. J'aime pouvoir le regarder performer sur scène. J'aime jouer un rôle de soutien. Je ne peux pas être toujours vain, quoique j'aime cela de temps à temps», lance Daniel en riant.

D'hier à aujourd'hui

Britt Daniel est un auteur-compositeur prolifique à la plume unique, mais aussi un vibrant interprète. «À l'époque des Beatles et de Motown, les musiciens sortaient des albums tous les six mois ou chaque année. Je crois que c'est l'idéal... Mais aujourd'hui, la quête de résultat et de revenus réside surtout dans la tournée.»

Le leader de Spoon a 44 ans, son groupe compte 20 ans de carrière... Déjà? «Le temps passe trop vite, mais je me sens très privilégié. Quand j'ai lancé mon premier album, j'étais très arrogant. Puis je l'ai été de moins en moins d'année en année. Je n'aurais jamais pu prévoir tout ce que j'ai pu accomplir comme musicien. C'est encore un "thrill" et irréel de faire cela comme travail.»

«J'avais 6 ou 7 ans quand j'ai su que je voulais faire ça. J'étais capable de mettre les albums des Beatles par moi-même. Je regardais la pochette avec envie.»

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Au National, lundi prochain.