James Alexander Goodale Holden, incontournable de la musique électronique dont l'album The Inheritors fut l'un des grands crus de l'année 2013, a choisi l'exécution instrumentale «par accident». Heureux hasard, du moins si l'on s'en tient à ce que l'artiste anglais nous révèle avant son passage très attendu au prochain MUTEK.

«Auparavant, j'avais le sentiment qu'il m'était beaucoup trop difficile d'envisager une lecture instrumentale de ma musique électronique. Tout a changé lorsque Thom Yorke m'a demandé par courriel d'assurer la première partie de son groupe Atoms For Peace. Lorsque j'ai côtoyé le chanteur et ses collègues instrumentistes, très intéressés par l'esthétique électro, j'ai réalisé ce que je voulais accomplir pour la suite des choses. Ma vie musicale a changé complètement depuis ce temps. Je me sens comme un gamin dans un carré de sable!»

Ainsi, Holden a parcouru le chemin inverse de Thom Yorke et atteint ce même objectif d'hybridation entre musique électro et musique instrumentale.

«Je privilégie désormais une relation physique avec les instruments de musique, et aussi l'improvisation et l'interaction entre musiciens», dit-il.

Enfant, Holden a appris le piano et le violon, mais sans vouloir devenir virtuose. «Il m'importait de transmettre mes idées et non de faire preuve de virtuosité», dit-il.

Plus tard, l'ordinateur lui est apparu comme un instrument de musique à part entière, à l'instar des synthétiseurs modulaires dont il fait également usage aujourd'hui. «Comme les instruments acoustiques ou électriques, on peut les rendre imprévisibles en temps réel. Si, par exemple, tu joues des synthés modulaires, tu dois envisager ici et maintenant des couches de sons et de lignes mélodiques; cela exige une autre sorte de virtuosité.»

Musique et mathématiques

Ainsi, le jeu a beaucoup compté dans la confection de l'album The Inheritors, lancé en juillet 2013 sous sa propre étiquette, Border Community.

«Je me suis appliqué à imaginer des concepts interactifs, puis à faire en sorte qu'ils puissent fonctionner dans le cadre d'une exécution en temps réel. Plus précisément, mon synthétiseur modulaire est connecté notamment au programme Max/MSP de mon ordinateur. Ce logiciel permet l'échange de données entre instruments (MIDI), la synthèse et l'enregistrement des sons.»

D'autre part, les musiques de Holden ne sont pas écrites sur des partitions, mais proviennent d'un ensemble de règles d'organisation des sons.

«En fait, il m'importe toujours de construire de nouveaux amalgames entre ordinateur et synthétiseur modulaire. Mon diplôme de premier cycle en mathématiques [obtenu à Oxford] me facilite la tâche. Comme Caribou et Kieran Hebden, je suis un fan de maths, ce qui est toujours utile en informatique.»

À MUTEK

Sur scène, la vision de Holden se veut plus organique: «Tout ce système est en relation directe avec mon batteur Tom Page, qui fait aussi partie du groupe RocketNumberNine et qui accompagne la chanteuse Neneh Cherry. Avec moi sur scène, Tom Page peut carrément changer le cours de ma musique. Les programmes de mon ordinateur tiennent compte de nos exécutions respectives et en suivent les variations, ce qui est très différent d'une musique électronique figée dans un disque dur. Le dialogue entre les musiciens est pris en considération du début à la fin.»

La musique au programme de MUTEK s'inspirera essentiellement du répertoire de l'album The Inheritors, dont l'esthétique se démarque de celles observées récemment dans la nébuleuse technoïde.

«Avant d'en composer les musiques, raconte-t-il, j'ai écouté intensément du krautrock allemand: Harmonia, Amon Düül, Kraftwerk, etc. Par la suite, je suis passé au minimalisme américain de Terry Riley et au jazz moderne ou contemporain: Miles Davis, Don Cherry, Sun Ra, Marshall Allen, etc. Parmi mes nouveaux projets, il y a cette collaboration avec un musicien marocain gnawa, joueur de guembri et dont la musique de transe est extraordinaire. Encore là, nous sommes connectés et nous pouvons improviser ensemble. J'aimerais bien faire de même avec des musiciens maliens.»

Voilà qui déboulonne bien des préjugés sur la prétendue froideur électro.

À la salle principale du Musée d'art contemporain le 27 mai, entre 21h et 3h, dans le cadre de MUTEK.