Pour une soirée dimanche, le chanteur américain Prince a endossé les habits de guérisseur, débarquant avec sa bande pour un «concert pour la paix» à Baltimore, secouée par de récentes émeutes et manifestations contre les violences policières.

Les incidents avaient suivi la mort de Freddie Gray, un Noir de 25 ans mort le 19 avril dans des circonstances non élucidées après son interpellation par la police. Un couvre-feu, levé il y a une semaine, avait été imposé pendant cinq jours pour ramener le calme.

«Pas de couvre-feu»: ce fut le refrain de Prince dimanche, des mots lâchés après chacun des rappels par les milliers de spectateurs qui avaient réussi à obtenir un billet. Le concert s'est tenu dans l'arène sportive et salle de concert Royal Farms Arena, à quelques kilomètres de l'épicentre des violences urbaines de fin avril.

Pour la première fois Prince, 57 ans, a chanté sur scène Baltimore, nouveau titre écrit en l'honneur de la ville, où il évoque Freddie Gray et un jeune Noir tué par la police l'an dernier dans le Missouri, Michael Brown.

«Verrons-nous d'autres jours sanglants?/On n'en peut plus de pleurer, de compter les morts/Confisquons les armes».

L'artiste a même invité sur scène, brièvement, la jeune procureure de Baltimore, Marilyn Mosby, qui a inculpé six policiers impliqués dans la mort de Freddie Gray. Acclamée, elle n'a pas parlé, laissant ce soin à Prince.

«Sans justice, il ne peut y avoir de paix», a chanté l'artiste.

Le concert s'est poursuivi pendant deux heures et demie, mélange de grands classiques dont l'inévitable Purple Rain, d'improvisations électriques et funk, et d'un interlude semi-politique de quelques minutes, près de la fin du spectacle.

«Le système est cassé, nous avons besoin des jeunes pour le réparer», a dit le chanteur. «Nous avons besoin de nouvelles idées».

«Je veux dormir dans un hôtel détenu par l'un de vous», a-t-il encore dit, appelant les habitants à prendre le contrôle de l'économie locale.

Dans la salle, beaucoup avaient suivi sa consigne et étaient habillés de gris, en mémoire de Freddie Gray.

Nouvelle facette

L'activisme politique est nouveau pour Prince, qui depuis ses succès planétaires des années 1980 s'est fait d'abord connaître pour sa musique et sa réputation d'excentrique - comme lorsqu'il a changé de nom pour un symbole imprononçable, en raison d'un conflit homérique avec sa maison de disque, Warner, récemment résolu.

Il s'était fait remarquer en février à la cérémonie des Grammy Awards, en reprenant le mot d'ordre «les vies noires comptent», scandé dans les manifestations anti-police dans tous les États-Unis.

Le concert de Baltimore marquait en soi une sorte d'inflexion: lui qui aime improviser ses concerts, a donné cette fois trois jours d'avance à ses fans pour acheter leurs billets.

Mais bien qu'il apprécie la réclusion de ses studios de Paisley Park, dans le Minnesota, Prince a depuis le début de sa carrière toujours pris des risques. Dimanche, comme une allusion, il a rejoué Controversy (1981), tirée d'un album chargé de sexe et politique, et dont voici les premières paroles: «Suis-je blanc ou noir? Suis-je gai ou hétéro? Crois-je en Dieu? Crois-je en moi?»

Il a aussi repris Don't Stop 'Til You Get Enough de Michael Jackson, souvent décrit comme son rival des années 80, bien que le degré réel de rivalité reste sujet à controverse.

Outre ses succès, il a aussi exposé ses racines blues, soul et funk avec force trombones, saxophones et choristes.

Une partie des revenus du concert seront donnés à des oeuvres caritatives, avait annoncé Prince. La ville l'a accueilli à bras ouvert, prolongeant le service de métro dominical jusqu'après la fin du concert.

La seule ombre au tableau n'est pas venue de la police mais des vigiles de la salle, particulièrement féroces pour appliquer l'interdiction absolue d'utilisation des téléphones cellulaires.