À bien y penser, le titre de son album l'annonçait et résume parfaitement l'ambiance qui régnait au Métropolis, jeudi soir. De la chaleur humaine. Beaucoup de chaleur humaine.

Cinq jours après avoir été sacrée reine des Victoires de la musique en tant qu'interprète féminine de l'année, Christine and the Queens se produisait pour la première fois à Montréal, à guichets fermés, s'il vous plaît, dans le cadre de la soirée d'ouverture du festival Montréal en lumière.

Un public enthousiaste, diversifié et en appétit attendait l'arrivée sur scène de l'artiste de 26 ans - née Héloïse Letissier -, qui est rapidement devenue un phénomène pop en France.

La jeune femme menue a fait son entrée après des battements de lumière. Avec deux musiciens et flanquée de deux danseurs scotchés à ses côtés, elle et ses boys se sont élancés au son de Starshipper. Les mouvements de danse viscéraux et saccadés, et la mise en scène minimaliste axée sur les ombres et les lumières, dégageaient d'ores et déjà une vive intensité et du magnétisme. Comme quoi des ingrédients tout simples peuvent être d'une redoutable efficacité scénique.

Des projections de Christine en train de danser l'ont doublée pendant Half Ladies. Vêtue d'un veston doré, l'étoile de la soirée s'élançait avec un sourire radieux. Déjà, Christine avait tissé un lien direct et de proximité avec le public. « J'ai l'impression d'être une rock star. Je n'ai pas fait deux chansons, et tu m'aimes déjà. »

« Tu peux être qui tu veux ce soir ! », a-t-elle lancé aux spectateurs avant de les attiser avec les premiers accords d'iT.

On a beaucoup dit que l'auteure-compositrice-interprète bisexuelle, libérée par la rencontre de dragqueens lors d'une soirée mémorable à Londres, dansait comme Michael Jackson. Il est vrai qu'elle s'inspire du Roi de la pop, mais avec décontraction. Avec ses Queens, Christine crée une ambiance de music-hall pop. Le cadre demeure intime, mais d'habiles effets de mise en scène captent autant le regard qu'une grand-messe pop comme peut en accueillir le Centre Bell. Il faut dire que cette fille sait danser.

Entre les chansons, Héloïse Letissier a parlé - en donnant du « tu » à la foule - du R & B qui la réconforte sous la douche, du bacon, du public chaleureux, et elle a demandé à quelques spectateurs de lui chanter leur nom au micro. En spectacle, elle impressionne... et déconne.

« Défier l'ordinaire. C'est à ma façon » le dit si bien Christine sur sa chanson Half Ladies.

« La House of Christine »

Les spectateurs du Métropolis illustraient à quel point le public de Christine and the Queens s'est approprié chaque titre de son premier album bilingue, Chaleur humaine, sorti en juin dernier. De nombreux visages heureux et paires de hanches se balançant ont réagi immédiatement aux premiers accords de Christine, d'Ugly-Pretty et, bien entendu, du tube Saint Claude.

Nous étions dans « la House of Christine », pour reprendre l'expression de la star de la soirée.

Le spectacle avait quelque chose de rassurant, illustrant à quel point un artiste peut être rassembleur avec un album racé, avant-gardiste et minimaliste dont l'électro-pop n'a rien de formaté.

Christine propose un mélange rafraîchissant d'influences et de références. Elle fait tomber les barrières entre le théâtre, la danse, la vidéo, l'humour, l'improvisation, la chanson, le rap, le R & B, l'électro... et les époques.

Jeudi soir, elle a replongé le public du Métropolis dans une partie du répertoire français moins connu au Québec, du moins pour les plus jeunes générations.

Dans une reprise de Les paradis perdus de Christophe, classique de 1976, elle a inséré le refrain de la chanson Heartless de Kanye West. Si cette fille sait danser, disait-on, elle sait aussi chanter, a-t-on alors constaté.

Christine a également repris Amazoniaque d'Yves Simon, qui date de 1983. Mes nuits d'insomnie j'me perds dans les forêts d'Amazonie, a-t-elle si bellement chanté. Dans tes ch'veux, tes bras qui m'enserrent, c'est bien là que j'me perds.

En entrevue, Héloïse Letissier nous disait que son personnage de Christine « n'est pas dans la sexualité, mais dans le désir ». C'est ce qui la rend si intéressante et si proche du public en spectacle. Le désir constitue un mélange de vulnérabilité, de candeur, d'affirmation, de laisser-aller et de magnétisme.

Christine incarne tous ces sentiments à merveille sur scène. Mais surtout, elle est une étonnante source de chaleur humaine.