Il y a 20 ans, Francesca Gagnon et René Dupéré ont fortement contribué à faire d'Alegría l'un des plus grands succès du Cirque du Soleil. Les voici de nouveau réunis, sur scène et sur disque. Pour se chanter des histoires...

Quand une amie a demandé à René Dupéré s'il connaissait une chanteuse qui pourrait participer à un concert-bénéfice pour une maison de fin de vie à Sainte-Agathe, le compositeur a tout de suite pensé à Francesca Gagnon qui, il y a 20 ans, chantait ses musiques dans le spectacle Alegría du Cirque du Soleil.

Avec un succès inégalé depuis: le disque a passé 65 semaines au palmarès Billboard des musiques du monde et s'est vendu à plus de 500 000 exemplaires dans le monde. On peut dire que, porté par la musique de Dupéré et la voix céleste de Francesca Gagnon, Alegría a positionné le Cirque comme LA référence de la réussite spectaculaire du Québec à l'échelle internationale.

Dupéré, toutefois, avait une question pour la représentante de la fondation La Traversée. Une question importante: «Qui va accompagner Francesca?» Et la dame a répondu du tac au tac: «Mais toi, René!»

Dupéré, 69 ans bientôt, n'avait jamais accompagné qui que ce soit sur scène. «Ç'a été un stress nouveau pour moi: le trac de performer», nous a dit le pianiste et compositeur rencontré cette semaine avec Francesca Gagnon à l'occasion de la sortie du disque Chante-moi une histoire, un CD arrivé par les voies naturelles, pourrait-on dire.

«Il n'y a pas de hasard», lance la mezzo-soprano saguenéenne qui travaillait à Paris avant d'être choisie pour le rôle de «La Chanteuse en Blanc» d'Alegría.

Pour le spectacle de Sainte-Agathe, qui mettait en vedette le «duo de neveux» - Bruno Brel, neveu de Jacques Brel, et Gaëtan Leclerc, fils du frère de Félix -, le duo Gagnon-Dupéré avait préparé huit chansons, dont quelques-unes d'Alegría où Francesca chantait en espagnol, en italien et en français. Et ils ont volé le show! «René et moi, sur scène, c'est l'osmose totale!», dit Francesca en souriant, soulignant que les gens leur demandaient quand ils allaient donner d'autres spectacles et s'ils allaient faire un disque...

Deux ans et une vingtaine de spectacles plus tard avec, toujours, la même réaction chaleureuse, ils se sont dit: «Pourquoi ne ferait-on pas un petit disque à vendre après les shows?» Mis au courant du projet dont il a d'emblée reconnu le potentiel, Alain Martineau, directeur du développement des affaires chez le distributeur DEP, a vite réglé le cas: «Il faut que ça sorte!»

Et voici Chante-moi une histoire, avec ses 12 pièces: trois de Brel (Les vieux amants, Amsterdam, Ne me quitte pas), deux françaises (Le déserteur, De la main gauche, vibrante), deux québécoises (Évangéline, Une chance qu'on s'a), une en italien, la très belle Vai vedrai tirée d'Alegría (paroles de Franco Dragone) et quatre chansons en espagnol, dont Todo Cambia (popularisée par Mercedes Sosa) et Cuando me acuerdo de mi país que Francesca Gagnon a souvent chantée avec le groupe folk chilien Inti Illimani.

Douze coups de coeur communs, précise René Dupéré. «Dans un duo piano-voix, il faut que les chansons parlent aux deux... Moi, sur scène, je n'accompagne pas Francesca: je la suis. Partout où elle va. Je me considère comme un bon pianiste, mais je ne suis pas un virtuose. Et je suis assez vieux pour faire la différence entre une personnalité forte et un gros ego...»

Les deux artistes acceptent souvent de chanter pour des organismes caritatifs, étant très ouverts à cette dimension de leur rôle social. Francesca Gagnon dira que c'est là son «bénévolat». René Dupéré, lui, a déjà travaillé avec les jeunes de la rue à Sainte-Agathe et il finance personnellement un programme d'alphabétisation et d'intégration économique qui touche 1300 femmes africaines.

«Ce projet avec Francesca, je ne fais pas ça pour l'argent. Je le fais pour le simple plaisir de jouer avec une grande chanteuse. Pour l'amour de la musique, finalement...»