Marianne Faithfull, rescapée des turbulentes années 60, des drogues et d'un cancer, ne se voit pas en légende vivante du rock mais bien comme «une artiste en activité» alors que paraît son nouvel album écrit entre autres par Roger Waters, Nick Cave et Anna Calvi.

L'Anglaise à la voix éraillée, repérée en 1964 par le gérant des Rolling Stones et propulsée à 17 ans icône du «Swinging London» grâce à une chanson signée Jagger/Richards, As Tears Go By, reprend la route à partir d'octobre pour marquer les 50 ans d'une carrière aux multiples résurrections.

Avec cette tournée, «je ne dis pas au revoir», prévient Marianne Faithfull, 67 ans, en recevant l'AFP dans son appartement parisien où elle a écrit plusieurs des chansons de Give My Love To London, nouvel album qui paraît lundi.

«Je préfère le voir comme quelque chose d'habituel: je fais ce que j'ai toujours fait, écrire des chansons, faire des disques, chanter sur scène. Je suis une artiste en activité», glisse-t-elle de sa voix de fumeuse, deux cigarettes électroniques posées à portée de main.

Quand on la ramène aux années 60, à ses débuts fulgurants et cette vie tellement «sexe, drogues et rock n'roll», la sexagénaire au regard perçant, désormais installée entre l'Irlande et Paris, en dit peu, comme si elle craignait de n'être résumée qu'à ça, une légende.

«J'avais juste 17 ans, j'avais juste hâte de partir de chez moi. Je devais attendre encore une année entière avant d'aller à l'université. J'aurais probablement été plus heureuse à l'université, mais j'étais impatiente que la vie commence. Donc j'ai saisi l'offre Andy Oldham», le mythique gérant des Stones, raconte-t-elle.

Pas de regrets

Malgré les excès, les dérapages, les drogues, elle ne «regrette plus rien, du tout», dit l'interprète de Broken English.

«Certaines choses ont été horribles, d'autres merveilleuses, mais ce sont mes souvenirs, ce n'est pas pour le public», tranche-t-elle, glissant simplement que «la diabolisation des drogues et des drogués a été une grosse erreur».

Aujourd'hui, «ma vie est plus tranquille», sourit-elle. «C'est une évidence, j'ai bientôt 70 ans, je ne vais pas passer mon temps à danser. Je viens de me casser la hanche. Mais j'ai beaucoup d'amis, j'ai une belle vie», confie celle qui a aussi combattu un cancer du sein il y a quelques années.

Immobilisée de longs mois à la suite d'une chute, Marianne Faithfull a consacré plus de temps qu'habituellement à écrire des chansons pour un album qualifié de «personnel».

Pour écrire des textes comme le tendu Mother Wolf ou le plus fielleux Give My Love To London, sur sa relation amour-haine avec la capitale britannique, la «colère», dit-elle, a été «une très bonne énergie, qui me fait travailler».

Mais Marianne Faithfull sait surtout - cela a toujours été l'une de ses grandes qualités - merveilleusement s'entourer avec cette fois-ci l'ex-Pink Floyd Roger Waters (pour l'optimiste Sparrows Will Sing), l'ami Nick Cave (Late Victorian Holocaust, Deep Water) ou l'étoile montante Anna Calvi (qui compose la musique du rythmé Falling Back).

À ces artistes, elle dit laisser beaucoup de liberté artistique: «Je leur dit à tous: «Si vous devez vraiment changer quelque chose, vous pouvez!» C'est difficile à dire, mais c'est vrai», assure la chanteuse qui propose aussi une jolie relecture de Going Home, de Leonard Cohen.

Plus envoûtante que jamais, la voix de Marianne Faithfull, mise en valeur par une production ciselée, n'a aucune peine à donner une belle unité à l'ensemble malgré des styles aussi variés que les signatures, allant de l'électricité aux ambiances plus acoustiques avec piano et cordes.

La tournée des 50 ans débutera le 11 octobre à Stuttgart avec un passage le 20 novembre à Paris, à l'Olympia, la salle de ses débuts parisiens en 1964: «Ce n'était pas mon show, c'était celui d'Hugues Aufray. Je n'étais que la fille qui chante», se souvient-elle, se laissant alors aller au français pour dire à quel point ce retour s'annonce «merveilleux pour moi».