Sun Kil Moon est le véhicule de Mark Kozelek. Il a la cote chez les hipsters férus de folk rock. Plusieurs ont découvert l'homme et son groupe grâce à son succès d'estime récolté l'hiver dernier après la sortie de Benji, son sixième album studio; moyenne de 85% sur 30 critiques anglo-américaines recensées par la plateforme Metacritic, notamment ce 9,2 /10 accordé l'hiver dernier par Pitchfork.

D'où cette salle pleine, mercredi soir à la Fédération Ukrainienne, à l'orée de Pop Montréal.

À 47 ans, ce grand efflanqué de San Francisco peut compter sur une bonne technique de guitare classique, sur un organe vocal nettement supérieur à la moyenne, sur des musiciens qui lui sont attentifs et complémentaires. Kozelek peut surtout compter sur des chansons folk rock superbement ciselées. Chez Sun Kil Moon, la langue familière, mâchonnée, sans détour, peut accueillir des élans soudains de poésie. Contrastes saisissants de beauté.

Quant à l'animal... Une portion probante de la salle semblait au fait de ses invectives balancées à un auditoire de Raleigh, Caroline du Nord  : "Everybody, all you fucking hilbillies, shut the fuck up. I don't give a fuck if I get paid or not, I'm gonna walk." a-t-il conclu. On peut comprendre son exaspération, car la branchouille souffre régulièrement d'un sérieux déficit d'attention. Mais on aura du mal à piger sa pointe récente au groupe The War on Drugs, dont l'album Lost in the Dream jouit également de critiques très favorables : «The War on Drugs can suck my fucking dick», a récemment lâché Koselek à ses fans d'Ottawa. Apparemment, le concert simultané de ses collègues from Philadelphia l'aurait irrité au point de tenir ces propos désobligeants. Mèche courte!

Ou bien le mec traverse une période difficile ou bien il souffre de profonde instabilité. La démesure de cette intransigeance n'est pas justifiable mais bon.... Mercredi soir à Pop Montréal, Koselek était dans de bonnes dispositions, ce qu'il a d'ailleurs confié à ses fans avant de les avertir gentiment de se tenir tranquille pendant cette prestation aussi généreuse qu'étrange. Paire d'heures chansonnières où mélodies, progressions harmoniques et l'instrumentation (guitare cordes de nylon, guitare électrique, percussions, claviers) contrastent parfois avec le ton parfois agressif ou carrément vulgaire du chanteur, avec des thématiques parfois lumineuses, débordantes de candeur mais aussi sombres, funestes, vicieuses, tordues.

Le jour et la nuit.