Lorsque le groupe américain Interpol a sorti son premier album aux notes rock sombres et raffinées, l'iPod faisait ses premiers pas, Facebook n'existait pas et les gens découvraient les groupes dans des petites salles enfumées.

Mais seize ans après, alors que les New-Yorkais entament leur tournée pour la promotion de leur cinquième album - El Pintor - le guitariste Daniel Kessler pense que son groupe est arrivé à maturité à la bonne époque, celle où les groupes avaient le temps d'aiguiser leur son et de façonner des albums qui seraient achetés chez un disquaire et non débités en singles sur internet.

«Je suis reconnaissant d'être arrivé au bon moment, là où le numérique était juste au-dessus de nous mais sans que nous en ayons profité», confie Daniel Kessler à l'AFP depuis le hall d'un hôtel de Bowery à Manhattan, un quartier encore un peu dangereux lorsqu'Interpol faisait ses premiers pas dans des salles du voisinage.

«Nous sommes plutôt de la vieille école», avoue-t-il. «Après, ça a été comme une prise de la Bastille dans l'industrie musicale».

Kessler, qui va fêter ses 40 ans ce mois-ci, ne voit pas que des désavantages aux nouvelles règles du secteur, notamment pour toutes les personnes qui vivent dans des endroits reculés et qui peuvent désormais découvrir des artistes en ligne.

Mais pour lui, Interpol est sans aucun doute un «groupe compositeur d'albums concepts»: «D'un point de vue artistique, un album est comme un livre dont toutes les chansons forment un tableau d'ensemble».

Dans El Pintor, le groupe donne le ton dès le morceau d'ouverture All the Rage Back Home. La chanson s'ouvre avec la voix mélancolique de Paul Banks rapidement bousculée par les percussions de Sam Fogarino qui la porteront jusqu'à un final rageur.

Un rock brut de fin de journée

L'album évoque les débuts d'Interpol et de son premier album Turn on the Bright Lights en 2002 puis Antics en 2004 où le son immense mais sombre rappelait celui de Joy Division. Seulement Interpol, qui monte sur scène en costumes sombres, recherche des mélodies plus épurées.

El Pintor - anagramme d'Interpol qui signifie «le peintre» en espagnol - est le premier album produit par le groupe en trio. Carlos Dengler, dont le staccato à la basse fit la patte d'Interpol, a quitté le groupe juste après la sortie de l'album éponyme en 2010 remarqué pour son voyage dans les claviers explosifs et saccadés.

Dans El Pintor, c'est au tour de la voix de Banks de prendre le dessus de la basse. Le choix d'abandonner les claviers est venu naturellement, sans même en discuter avec ses comparses, explique Daniel Kessler.

«Nous n'avons pas recherché la complication gratuite», explique-t-il. «Il s'agit d'un rock plutôt brut de fin de journée».

Le groupe entreprend une longue tournée, avec des dates fixées jusqu'en février. Daniel Kessler reconnaît être fier de leur notoriété notamment au Mexique où Paul Banks a grandi.

Par contraste, Daniel Kessler s'étonne de ne pas être plus écouté au Japon, affirmant que le groupe aimerait aussi se produire pour la première fois en Asie du Sud-Est.

La tournée comporte des lieux un peu plus intimistes comme l'Olympia à Paris ou The Roundhouse à Londres.

À New York, le groupe a offert une soirée unique au Metropolitan Museum of Art début septembre. Le musée qui lançait une nouvelle application, a invité Interpol à venir chanter parmi les ruines du temple égyptien de Dendur.

«L'un des plus grands moments de ma carrière», confie le New-Yorkais.