L'événement a perdu le côté revendicateur de ses débuts quand, en 2000, une poignée de jazzmen montréalais, réunis notamment autour de Jean Vanasse et de François Marcaurelle, avaient lancé l'OFF Festival de jazz en réaction au Festival international de jazz de Montréal qu'ils accusaient de ne pas faire assez de place aux musiciens locaux.

Le ton était parfois peu amène sinon agressif et l'affrontement, qui couvait depuis des années, en avait laissé plusieurs dans la délicate position de jouer au FIJM tout en appuyant leurs collègues du OFF qui se débrouillaient avec les moyens du bar, si l'on peut dire. Le festival off, le premier du nom à Montréal sauf erreur, avait lieu en même temps ou presque que celui qui l'avait fait naître et avait établi ses quartiers dans l'est, au Lion d'or, siège de la résistance symbolique aux grands rassemblements du centre-ville. Les billets ne coûtaient pas cher et les cachets, quand il y en avait, étaient à l'avenant. L'OFF Festival avait le courage de ses convictions.

Après 10 ans, devant ce qu'une collaboratrice avait alors décrit euphémiquement comme «la forte compétition du grand festival», l'OFF avait déménagé à l'automne en laissant à l'écurie son cheval de bataille des commencements. La mission, toutefois, ne changeait pas: offrir au public curieux les projets musicaux les plus signifiants des créateurs d'ici auxquels avaient commencé à se joindre des musiciens canadiens et américains, voire européens.

Cette année, l'OFF Jazz, de son nouveau nom, fête ses 15 ans avec, du 3 au 11 octobre, une affiche où se décline tout entière la mission de l'événement: «allier qualité musicale, créativité et libre expression». Dans un vaste spectre stylistique: ici, le «rock jazz» de l'East West Project du batteur Kevin Warren - merveilleux Tom Eliosoff à la guitare! - , là, un quatuor de clarinettes pour le Canard branchu de Robert M. Lepage.

Les explorateurs sérieux des «techniques d'écriture timbrales, spectrales et microtonales» et les amateurs de «jeux d'illusions rythmiques» seront à la Sala Rossa pour le concert de l'Erik Hove Chamber Ensemble tandis que les plus trash feront déborder le Café Résonance de l'avenue du Parc où se produira le septette d'avant-garde Kids Eat Crayons.

En ouverture au Lion d'or, le duo batterie-piano montréalais de Michel Lambert et Alex Grogg avec le Michael Formanek Quartet de New York; en clôture au Cabaret du Mile-End, le monstrueux Ratchet Orchestra du contrebassiste Nicolas Caloia.

En tout, 160 musiciens, 32 concerts - le passeport coûte 110$! - dans 10 lieux où se tiendront pas moins de 8 spectacles-lancements de disque, dont celui de la chanteuse Sonia Johnson, le jeudi 9 au Gesù (voir loffjazz.com pour le programme complet).

Et tout ça avec un budget de moins de 200 000$. «Et seulement 27 000$ en cachets», nous précisait le président de l'OFF Jazz, l'harmoniciste et professeur Lévy Bourbonnais, mardi au lancement de cette 15e programmation. «C'est toujours serré - l'OFF est en campagne de financement continuelle - mais, au moins, les organismes subventionnaires n'ont pas coupé l'aide qu'ils nous accordaient.» Certains de ces organismes, par ailleurs, ont fait quelques suggestions en rapport avec la gouvernance de l'OFF Jazz qui compte désormais au conseil un avocat, un comptable et un banquier. Manque juste un grand groupe bancaire comme commanditaire principal...

Jazz et BD

Entre-temps, l'expo BD en musique s'est ouverte mercredi à la Galerie Lounge TD, en haut de l'Astral. Jusqu'au 23 novembre, on pourra y voir une cinquantaine de planches de 15 bédéistes d'ici qui se sont inspirés du Festival de jazz, le gros, pour créer ces oeuvres au caractère «vibrant, ludique et populaire».

Une trentaine de planches supplémentaires auraient rendu la galerie plus «habitée» mais certaines planches, dans cette expo d'intérêt par ailleurs bien inégal, retiennent l'attention. Nos préférés: les portraits de Fred Jourdain - Eartha Kitt, Thelonius Monk, Miles Davis -, les têtes rondes d'Éric Godin, le cheval violoniste de Julie Rocheleau, «achetable» en petite affiche dans sa version «Western swing», très drôle. Mais sur qui tire donc le saxophone-revolver de Zïlon?

La rentrée de l'ONJM

Mentionnons en terminant que l'Orchestre national de jazz de Montréal, qui réunit les meilleurs instrumentistes de la métropole, inaugure sa deuxième saison ce soir à l'Astral. Dirigé par le tromboniste Jean-Nicolas Trottier, le grand ensemble interprétera des oeuvres du pianiste de Chicago Jim McNeely et des pièces de Trottier lui-même, qui avait mené l'ONJM de sa main énergique dans le tout premier concert l'an dernier.

À l'agenda

MRCY! - Le premier Block Party MRCY qui veut marquer la rentrée à la Cité du savoir de Laval et le 35e anniversaire de la Salle André-Mathieu. En rafale, à compter de 15h aujourd'hui dans l'Espace Montmorency autour du métro du même nom: Caravane, Thus Owls, Sky Ferreira, The Barr Brothers, Death From Above 1979 (pour se reposer...), Neutral Milk Hotel et, à 22h15, Metric. De bonnes raisons de traverser le pont... ou de rester dans l'île Jésus. Voir mrcyblockparty.com pour les détails logistiques.

BBQ! - Grillades (au parc Morgan) et musique aujourd'hui et demain sur les Promenades Hochelaga-Maisonneuve (rues Ontario et Sainte-Catherine). Sur scène ce soir dans le stationnement du Dairy Queen, les gens du Pouzza Fest proposent Gazoline, Les Marinellis et The Breastfeeders. Une demi-douzaine de bars du quartier offrent aussi des spectacles gratuits. Voir promenadeshm.ca pour le programme complet. La grillade? Médium bien.