On rêve américain à l'Hôtel Morphée. Les songes dont il est question dans le deuxième album de la formation renvoient à un imaginaire continental, états-unien. De jeunes adultes francophones y transhument sur un vaste territoire. Non sans réfléchir, ressentir, fantasmer. À l'évidence, ce Rêve américain n'est pas exactement celui que véhicule l'expression bien connue.

Au-dessous des Breakglass Studios, situés aux frontières de la Petite Italie, le quartette montréalais est à tourner le clip de la chanson Des milliers de gens. Façon Stranglers, les trois musiciens sont fringués de noir, la robe miroir de leur chanteuse produit le contraste souhaité. Spectaculaire ? Même devant un lunch de St-Hub prévu pour la pause interview, ça le fait !

La bouche pleine, parlons donc de ce deuxième album signé Hôtel Morphée.

« L'idée était de faire des chansons dans l'esprit de notre génération, de s'exprimer en tant que jeunes francophones vivant en Amérique du Nord. Nous oublions parfois que nous sommes influencés par la culture américaine. Lady Gaga, ça fait aussi partie de nous », amorce Laurence Nerbonne, chanteuse du groupe, musicienne et peintre.

« Cet album porte un regard sur les mythes de l'Amérique, ses bons et mauvais côtés. Sa violence esthétique, par exemple. Ainsi, nous pouvons être admiratifs par rapport aux États-Unis, nous pouvons aussi être ironiques. Nous connaissons ce pays, nous y avons voyagé seuls et aussi en tant que groupe. Notre connaissance américaine est celle de Québécois francophones collés sur l'empire », poursuit Stéphan Lemieux, batteur d'Hôtel Morphée, aussi enclin à la philosophie de niveau universitaire.

Amour et folie

Tout cela, insiste-t-on à l'Hôtel Morphée, participe d'un rêve américain... bien de chez nous.

L'auteure des rimes en décrit l'angle d'attaque : « Cet album comporte des histoires d'amour, de sexe, de folie. Des psychopathes s'y rencontrent et commettent ensemble un crime, sorte de caricature de la violence. À la fin du monde, des gens y marchent ensemble jusqu'à un observatoire de Tucson, en Arizona.

« L'objectif n'était pas de créer des tableaux abstraits, mais plutôt d'exprimer des idées précises, de la première à la dernière phrase. Ça me semble plus difficile d'écrire un texte simple, narratif, d'apparence plus modeste, mais aussi plus direct, en phase avec une énergie rock. Pour cela, j'ai travaillé fort, lu beaucoup de poésie, planché des journées entières sur de courts passages. »

Musicalement, même esprit d'épuration, peu de flafla au programme. « Avec notre premier album [Des histoires de fantômes], nous avons fait notre trip esthétique. Cette fois, le son se trouve moins plein, mais joué avec plus d'intensité. On l'assumera à quatre sur scène, sans ajout de musiciens. Mais cela n'exclut pas la recherche sonore ; par exemple, les violons peuvent y être traités, dénués d'imperfections, l'objet étant d'évoquer les orchestrations synthétiques de plus en plus courantes dans le monde de la musique », explique Blaise Borboën-Léonard, violoniste et multi-instrumentiste de l'Hôtel.

L'urgence de ficeler un nouveau répertoire serait à l'origine de cette épuration, souligne à son tour le guitariste André Pelletier : « Contrairement à ce que nous avions vécu dans les premières phases de la vie de notre groupe, le processus de création a été rapide. Nous voulions atteindre une plus grande énergie, un jeu plus viscéral. Nous avons commencé dès septembre 2013, sommes entrés en studio en décembre. Cette intensité, je crois, a rendu notre travail très cohésif. »

« La progression la plus marquante, résume Stéphan Lemieux, c'est la facilité avec laquelle le nouvel album peut être joué en spectacle. C'est plus simple, c'est plus pop, les sonorités sont plus accessibles. Ce nouvel album est fait pour la scène. »

Impossible, effectivement, de s'assoupir à l'écoute de ce Rêve américain.

Spectacles-lancements mardi au Cercle de Québec, mercredi à La Tulipe de Montréal, jeudi au Petit Chicago de Gatineau.



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Sortie mardi prochain