Oubliez le cliché du type avec une grosse caisse sur le dos. Avec le temps et les nouvelles technologies, l'homme-orchestre a changé. Il bidouille désormais des séquenceurs, joue sur des instruments uniques conçus spécialement pour lui ou se branche à des circuits électroniques. Le troisième Festival de l'homme-orchestre (One Man Band Festival), qui sera présenté à Montréal du 15 au 18 mai, mettra en vedette 68 de ces «bibittes», qui ont choisi de faire cavalier seul pour le meilleur et pour le pire. Hors Cadre a parlé avec trois d'entre eux.

McRorie

Mutant du hard rock

Styles: hard rock, rap old school, pop-rock, top 40

Jouer seul, c'est un choix?

Pas un choix délibéré, disons. Je jouais dans un groupe de cinq musiciens. Ils sont tous partis, les uns après les autres. À la fin, je me suis retrouvé tout seul. Pour combler le vide, je les ai remplacés au fur et à mesure par des instruments électroniques. Claviers. Capteurs sous les pieds. Capteurs sur le thorax. Je tenais à jouer chaque note moi-même. J'aime l'imperfection humaine.

Vous avez de drôles d'instruments. Pouvez-vous nous expliquer?

Les capteurs sous mes pieds remplacent la batterie. Je les ai achetés chez Radio Shack et fixés avec du velcro. Les claviers ont été fabriqués pour moi par l'entreprise StarrLab, de San Diego. J'ai un Ztar et un Z-Board ZB2 à 5000$ pièce. Les capteurs sur mon thorax servent surtout aux roulements de batterie. Je les aime bien, je me sens comme Tarzan quand je m'en sers. Enfin, il y a mon micro. Je m'en sers pour chanter et imiter les solos de guitare.

Votre spectacle, c'est de la musique ou un freak show?

(Silence) Ouais... J'admets que ça peut avoir l'air d'un freak show parce que c'est différent. Les gens sont intrigués. C'est ce qui attire l'attention. Mais bon, tant que je joue les notes, pour moi, ça reste de la musique. J'ai mis au point ce concept pour survivre, mais ça m'a ouvert de nouvelles voies créatives.

Quel est l'avantage d'être homme-orchestre?

Personne ne peut quitter le groupe!

On se sent seul, parfois?

Il y a solitude (loneliness) et solitude (solitude). Pour moi, il y a une différence entre les deux. Mais en gros, disons que je n'ai pas de problème avec cet état. Tu sais ce que Nietzche a dit? La liberté, c'est se créer soi-même...

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Gull se produit le samedi 17 mai à 22 h, à la Casa del Popolo (payant), et le dimanche 18 mai à 15h sur la terrasse McAuslan, aux abords du canal de Lachine (gratuit).



Eric Royer

La guitare au bout des orteils

Styles: country roots, blues, bluegrass, folk

Jouer seul, c'est un choix?

J'ai commencé en jouant dans la rue. Mais c'était difficile de trouver d'autres musiciens. Pas assez payant. Trop de problèmes avec la police. Alors j'ai décidé d'assurer tout seul. J'avais des notions de dessin technique et de travail du bois. J'ai décidé de fabriquer une guitare à pédales qui me garderait les mains libres pour jouer du banjo. Les gens ont tout de suite adoré et, depuis, je ne fais que raffiner cette idée.

Ç'a l'air compliqué, votre truc. Pouvez-vous nous expliquer?

Au début, il n'y avait qu'une guitare: maintenant, il y a aussi la basse. Les pédales que j'actionne avec mes pieds sont mécaniquement reliées à des médiators (picks) et à un capodastre qui sont suspendus au-dessus des cordes. Le pied gauche fait les accords, le pied droit fait le picking et pour le rythme, qui consiste en une balle de golf qui cogne sur une cloche à vaches. Je joue du banjo avec les mains et j'ai un genre de dobro (guitare slide) à la hauteur des cuisses, et un harmonica accroché au cou.

Votre spectacle, c'est de la musique ou un freak show?

Je pourrais dire que c'est une curiosité. Mais si je pensais comme ça, je finirais par m'ennuyer très vite. Alors, personnellement, je dirais que c'est 100% musical. C'est vrai que les gens sont attirés par le côté visuel. Mais en même temps, ma musique ne serait pas différente si je jouais avec d'autres.

Quel est l'avantage d'être homme-orchestre?

Tout est tellement plus facile à organiser! Les répétitions, les tournées, le choix du matériel. Au point de vue de la créativité, il n'y a pas de frontières.

On se sent seul, parfois?

Surtout quand je suis sur la route. Il faut transporter tout son équipement soi-même. À la longue, c'est physiquement exigeant. Techniquement, il y a aussi des limites évidentes. Jouer des trucs plus complexes, par exemple. Ou faire des harmonies vocales.

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Royer's One Man Band se produit le vendredi 16 mai à 21h au Café Campus (payant) et l'après-midi de 12h et 16h, à la place des Festivals (gratuit).

Eric Royer

Gull

Une expérience «très intense»

Style: rock alternatif

Jouer seul, c'est un choix?

C'est arrivé naturellement à la suite d'expérimentations. Je voulais voir jusqu'où on pouvait aller en jouant seul. Je voulais voir jusqu'à quel point une seule personne peut faire du bruit.

Vous jouez de la guitare et de la batterie en même temps, à l'aide de séquenceurs. Un beau tour de force. Mais parlez-nous de votre masque. Il est assez remarquable...

C'est venu pour des raisons pratiques. Il tient mon micro, ce qui me permet de tourner la tête en jouant. Au départ, c'était un masque de tête de mort en carton, acheté pour 2$ dans un magasin chinois. Mais avec la sueur, il s'est détérioré. Je n'arrête pas de réparer avec de la colle et plus de carton. C'est un travail constant! Il y a aussi un côté symbolique. Le masque en tête de mort représente plusieurs choses. Ce qu'il y a derrière la peau. Ce qu'il y a derrière la mort. Ce qu'il y a derrière les façades...

Votre spectacle, c'est de la musique ou un freak show?

(Rire) Il y a évidemment un aspect spectacle. Je ne le nie pas. Parfois, on m'engage parce que mon show est une attraction. J'aime bien ce côté performance. Mais peu importe le look, mes ambitions sont avant tout musicales.

Quel est l'avantage d'être homme-orchestre?

Pour moi, ça avait plus de sens sur le plan financier. Je ne pourrais certainement pas gagner ma vie avec cette musique en jouant avec un groupe. Ça rend certaines choses plus faciles. Je mets mes choses dans ma bagnole, un peu d'essence et je pars...

On se sent seul, parfois?

Ah ouais, tout le temps. Au début, on est content. On se sent autonome. Mais à la longue, ça force à l'introspection. Du coup, tu réévalues un tas de trucs. Tu te questionnes sur ton ego, sur ta santé mentale. Tu dois affronter les parties les plus sombres de toi-même. Ça peut être une expérience très intense...

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Gull se produit le samedi 17 mai à 22 h, à la Casa del Popolo (payant), et le dimanche 18 mai à 15h sur la terrasse McAuslan, aux abords du canal de Lachine (gratuit).