Ce n'est pas le Canadien mais la belle Lana Del Rey qui a rempli le Centre Bell, lundi soir.

La chanteuse donnait un premier spectacle à Montréal dans le cadre d'une première tournée nord-américaine d'envergure. Après deux albums et un troisième à venir sous peu, Lana Del Rey n'a pas démontré une passion ardente pour la scène depuis ses débuts propulsés par un buzz médiatique.

On savait d'entrée de jeu que son temps de glace n'allait pas durer plus de 75 minutes, et son entourage a confirmé l'admission des médias seulement quelques heures avant le spectacle. Un mauvais présage? Il fallait tout de même du cran pour faire son baptême scénique au Centre Bell, et non au Métropolis.

Au final, Lana Del Rey a montré qu'elle n'était pas la poupée de cire terrifiée par les caméras de Saturday Night Live, il y a deux ans. Elle demeure une chanteuse ingénue, quelque peu désorientée et énigmatique, et tout cela cadre parfaitement avec son personnage pop (qui n'a rien à voir avec celui de Lady Gaga et Katy Perry).

La lolita new-yorkaise de 27 ans a fait son entrée au milieu d'une forêt de palmiers enchantée, qui allait de pair avec ses chansons suaves et romanesques au sulfureux parfum féminin. Émerveillée par les cris sentis de la foule, la belle Lana a interprété Cola vêtue d'une belle robe de paysanne blanche.

Sa voix était solide, même si elle éprouvait des ennuis sonores dans son oreillette. «Can you take the fuzz out of my ears?», a lancé la chanteuse à son équipe de techniciens.

Lana Del Rey s'est dite émerveillée et choyée de l'enthousiasme de la foule.«Je suis tellement contente d'être ici. J'ai le sentiment que cela a pris une éternité», a-t-elle dit avant d'enchaîner avec Body Electric.

Avec sa voix grave langoureuse, ses cuisses invitantes et ses yeux endormis, Lana Del Rey rappelle Marilyn Monroe. Sans cachette, puisque l'image de la star mythique est apparue sur des écrans géants pendant le spectacle.

Lana Del Rey a fait un bain de foule et a même embrassé un spectateur sur la joue. Elle a fait chanter la foule sur son premier tube Blue Jeans et s'est baladée suavement devant le parterre à ses genoux, telle une Blanche-Neige qui a l'admiration indéfectible de ses nains.

Avec l'équipe de Lana Del Rey qui avait limité la configuration de l'amphithéâtre à 11 500 personnes, le Centre Bell avait des airs de grand cabaret. Un sofa, des chandelles, une contrebasse, des amplificateurs et des instruments reposaient pêle-mêle sur la scène.

L'aplomb rock des guitaristes ajoutait beaucoup de oumph aux chansons, particulièrement pendant West Coast, extrait du nouvel album attendu sous peu.

Incomprise

Lana Del Rey semble saoulée par sa musique et ses tourments intérieurs lorsqu'elle chante en spectacle. Elle se mordille les doigts, se berce d'une hanche à l'autre et remue ses lèvres au ralenti. Elle incarne son univers de Summertime Sadness et de Born To Die. Elle chante le rêve déchu de la jeunesse américaine.

Dans une entrevue récente publiée en France, Lana Del Rey a confié se sentir davantage comprise dans le pays de Vanessa Paradis et Charlotte Gainsbourg. On comprend pourquoi.

Loin d'être parfait, son spectacle était ponctué de problèmes de sonorisation, lundi soir, au Centre Bell. Statique, Lana Del Rey a massacré son hymne pop National Anthem. Elle a commis quelques maladresses, manifesté plusieurs signes de gêne et n'a pas offert de rappel. «Je ne mérite pas tout ça», a-t-elle lancé en réaction aux cris du coeur de la foule.

Malaise? Pas du tout: son charme gauche alimente son image d'elfe pop ingénue et de jeune femme incomprise. Lana Del Rey est comme toutes les jeunes femmes fragiles qui se réfugient dans sa musique et qui chantaient les paroles de ses chansons avec la main sur le coeur, lundi soir.

Lana Del Rey avait beau être sur scène en chair et en os et se faire prendre en photos avec des spectateurs, elle cultivait toujours un jardin secret. Surtout à travers ses faux pas. Que se passe-t-il dans la tête de la belle Lana? Quel mystère cache-t-elle?

Tel le personnage d'Ève de la Bible (qu'elle a interprété dans le film musical Tropico), Lana Del Rey personnifie la tentation. En spectacle, la chanteuse croque partiellement - et maladroitement - dans le fruit défendu. Ce coït interrompu n'a pas rassasié complètement les spectateurs, mais les a accrochés à ses lèvres pulpeuses.

Les fans de Lana Del Rey ont soutiré d'elle tout ce qu'ils pouvaient. Et ils n'ont pas fini d'en redemander, a-t-on constaté lundi soir.