En musique comme en politique, le Québec aime faire les choses à sa façon. C'est pourquoi les musiciens professionnels québécois voteront en juin prochain afin de décider s'ils se séparent de l'American Federation of Musicians (AFM), puissant syndicat nord-américain dont la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec fait partie depuis 1897.

«Au Québec, on a une loi sur le statut de l'artiste et on a des façons de faire et des besoins spécifiques, dit Luc Fortin, guitariste et président de la Guilde. L'AFM donne des services adaptés aux besoins américains et refuse de reconnaître notre spécificité, bien qu'on leur envoie 325 000$ en cotisations chaque année. Nous n'avons aucun contrôle sur la façon dont cet argent est dépensé.»

Des besoins distincts

À cause de la langue, des modèles d'affaires et de la nature du marché de la musique au Québec, les besoins des musiciens d'ici diffèrent de ceux de leurs collègues du reste de l'Amérique du Nord.

«La vitalité de l'industrie musicale au Québec est telle que nous avons beaucoup de démarches à faire pour représenter les musiciens. Il y a une multitude de maisons de production. Négocier, ça demande des moyens. En envoyant 20% de notre budget aux États-Unis, on se prive d'une partie de ces moyens.»

Avec l'argent récupéré par la désaffiliation, la Guilde pourrait mieux défendre les intérêts des musiciens québécois, soutient Luc Fortin.

«On va pouvoir être plus présents sur le terrain, embaucher du personnel pour négocier des ententes avec les employeurs et donner plus de services et de formation.»

La désaffiliation permettrait aussi d'assouplir les règles d'embauche des musiciens.

«Actuellement, les règles de l'AFM sont tellement contraignantes que de plus en plus de producteurs de films américains se rendent à l'extérieur des États-Unis pour faire leur musique. On est convaincus qu'en assouplissant nos règles et en travaillant avec le milieu cinématographique québécois, on pourrait récupérer une partie de ce marché.»

La Guilde compte 3300 membres musiciens professionnels de tous les horizons. Après Los Angeles et New York, il s'agit du troisième local syndical de l'AFM en importance et du plus grand au Canada, devant Toronto qui compte 2800 membres. Au total, l'AFM compte environ 75 000 membres.

Cette histoire a un air de déjà-vu. En 1994, les membres de la Guilde s'étaient déjà prononcés en majorité pour se détacher de l'AFM, mais le projet était mort dans l'oeuf.

«Des actions juridiques avaient été entreprises pour éviter que l'AFM mette le syndicat en tutelle et ensuite, notre conseil d'administration a changé et la décision a été cassée. Cette fois, nous allons procéder différemment. C'est vraiment un vote référendaire et si le résultat est oui, on va enclencher le processus.»

Luc Fortin a bon espoir d'obtenir un vote positif. Le scrutin aura lieu du 2 au 8 juin.