L'Orchestre Polyrythmo de Cotonou, mythique groupe béninois du début des années 70, connaît une deuxième jeunesse, au-delà du continent africain, grâce à une journaliste française, quarante ans après leur création. Un Buena Vista Social Club à l'africaine.

De Myriam Makeba à Fela Kuti, ils ont joué avec les géants de la musique africaine. Les succès du «Polyrythmo», qui a enregistré près de 400 albums en dix ans, passaient en boucle dans les mariages et dans les clubs des capitales d'Afrique de l'Ouest... Jusqu'à ce qu'ils sombrent peu à peu dans l'oubli, avec la révolution marxiste-léniniste, en 1975, et la fermeture des cabarets du Bénin.

Plus de trente ans plus tard, les papys béninois sortent de l'oubli, sont sacrés «un des meilleurs groupes de funk du monde» par le New York Times et réalisent leur rêve: celui de se produire hors d'Afrique, à Paris, New York, Rio, Barcelone, et au prestigieux Barbican de Londres, notamment.

Leur recette: de la funk enrichie de quelques notes d'afrobeat, de soul, de blues, de consonances latino, avec, même, une touche vaudoue.

De cette renaissance, ils ont fait un disque, le «Cotonou Club», sorti en 2011, sur lequel figurent la star béninoise Angélique Kidjo et deux musiciens du groupe de rock écossais Franz Ferdinand.

Soudeur, pêcheur, tenancier de bar

Au Bénin, en attendant une prochaine tournée, chacun des membres du groupe a retrouvé ses activités: pêcheur dans le village lacustre de Ganvié, soudeur, vendeur d'antennes paraboliques, ou tenancier de bar.Et deux ou trois fois par semaine, tirés à quatre épingles dans leurs ensembles en pagne colorés et amidonnés, ils répètent, sous un toit de tôle, dans le jardin de la maison de l'un d'eux.

Le chanteur Vincent Aéhéhinnou, un des membres historiques du groupe, a encore les yeux qui brillent en évoquant le succès des débuts, quand un de leur premiers morceaux, Gbeti Madjro, est devenu un succès en 1968.

Le groupe, qui jouait tous les week-ends au club Zénith de Cotonou, enregistrait au rythme effréné d'un ou deux albums par semaine, et se produisait dans toutes les grandes villes ouest-africaines.

Fela Kuti, le père de l'afrobeat, devenu un de leurs amis, les avait même conviés au «Shrine», sa légendaire salle de concert de Lagos.

Quand les clubs de Cotonou se mettent à fermer avec l'instauration du régime marxiste-léniniste du général Mathieu Kérékou, en 1975, les musiciens jouent de moins en moins.

En 1982, une tournée en Libye porte un coup fatal à leur carrière: les autorités, persuadées que le Polyrythmo transporte des substances illicites dans ses instruments, les détruit un à un. Le groupe rentre dépité à Cotonou et sombre peu à peu dans l'oubli.

Un rêve devenu réalité

Jusqu'à ce que la journaliste française Elodie Maillot tombe sur un de leurs vieux vinyles dans les rayons de Radio France, à Paris, en préparant un voyage au Bénin en 2007.

En arrivant à Cotonou, «j'ai vite fait le tour des quelques cabarets qui restaient (...) et quand je posais des questions sur le Polyrythmo, on me répondait: 'on ne les a plus vus depuis des années... Ils sont probablement morts», raconte-t-elle à l'AFP.

Elle finit par prendre la route d'Abomey: des orchestres locaux doivent s'y produire pour la fête de l'indépendance.

«Et là, vers deux heures du matin, ils montent sur scène et se mettent à jouer Angelina, une chanson dont je suis fan», se souvient-elle.

La sono est épouvantable, mais le groove est là, et les fans déchaînés.

À l'issue d'un entretien à multiples rebondissements, la jeune femme repart à Paris avec un reportage et la promesse de réaliser le rêve du groupe béninois: jouer en France.

Aucun imprésario ne voulant prendre le risque de faire venir un orchestre de onze personnes n'ayant pas joué depuis trente ans, sans passeports ni instruments, la journaliste, volontaire, s'improvise imprésario.

C'est ainsi qu'a commencé la deuxième vie du Polyrythmo, qui a débarqué à Paris pour la toute première fois en 2009, au festival de jazz de la Villette.

«C'était pas croyable, un rêve qui devenait réalité», se souvient Vincent Aéhéhinnou.