Considéré comme le roi mondial de l'harmonica, le musicien belge Toots Thielemans a décidé, à 91 ans, de mettre un terme à une longue carrière internationale qui l'a vu jouer aux côtés des plus grands noms du jazz.

Auteur en 1962 de Bluesette, un morceau devenu un standard du jazz auquel il doit en grande partie sa renommée internationale, Jean-Baptiste Frédéric Isidore, dit «Toots», Thielemans ne se sent «plus suffisamment en forme pour assurer un concert complet», a expliqué son impresario, Veerle Van de Poel.Né le 29 avril 1922 à Bruxelles dans le quartier populaire des Marolles, où ses parents tenaient un estaminet, l'éternel moustachu, qui est aussi guitariste de talent, est le premier musicien à avoir donné ses lettres de noblesse à l'harmonica chromatique, ce petit instrument de 15 cm de long, difficile à maîtriser.

Toots a découvert l'harmonica en 1938, à l'âge de 16 ans. D'abord séduit par la musique entraînante de Ray Ventura, il est piqué par le virus du jazz pendant la Seconde Guerre mondiale et, guitare à la main, prend pour modèle le manouche Django Reinhardt.

Au tournant des années 1950, il s'installe aux États-Unis, où il accompagne le saxophoniste Charlie Parker. Il revient en Europe pour une tournée aux côtés du célèbre clarinettiste new-yorkais Benny Goodman.

Après le succès de Bluesette en 1962, il joue à l'harmonica le thème du film Midnight Cowboy, de John Schlesinger (1969) et, plus tard, celui de Jean de Florette, de Claude Berri (1986).

Monument dans le monde du jazz, il joue également avec Ella Fitzgerald, Quincy Jones, Bill Evans, Frank Sinatra, Ray Charles, Larry Schneider, Oscar Peterson.

Fait baron en 2001 par le roi Albert II, il est l'un des Belges les plus célèbres, l'égal aux yeux de ses compatriotes d'Eddy Merckx dans le domaine sportif.

«Ne pas décevoir son public»

En 2012, et malgré une santé déjà chancelante, il triomphe à nouveau au Palais des beaux-arts de Bruxelles lors d'un concert célébrant son 90e anniversaire, avant de reprendre une tournée qui le conduira aux États-Unis et au Japon.

«Il a élevé l'harmonica au pinacle artistique et il est devenu un maître dans le choix des notes idéales», avait alors salué le guitariste brésilien Oscar Castro-Neves, qui l'accompagnait régulièrement.

«Je peux affirmer sans hésitation que Toots est un des plus grands musiciens de notre temps. Il joue avec son coeur et vous fait pleurer. On a travaillé ensemble tant de fois que je ne peux les compter et j'ai toujours voulu en faire davantage avec lui», avait déclaré Quincy Jones, cité par le journal belge Le Soir.

Mais aujourd'hui, sentant ses forces diminuer et «afin de ne pas décevoir son public, il a décidé d'annuler tous ses concerts», dont des représentations prévues jeudi et vendredi à Anvers, a expliqué son impresario.

«M. Thielemans souhaite désormais bénéficier d'un repos qu'il a bien mérité. Il peut se retourner sur une belle et très réussie carrière internationale», a-t-elle souligné, assurant qu'il ne reviendrait pas sur scène ni dans un studio d'enregistrement.

Il espère qu'on gardera de lui «l'image d'un «ket» (petit gars) de Bruxelles devenu citoyen du monde», a ajouté Mme Van de Poel.

«Merci Toots! Tu nous as offert de nombreux moments magiques», a réagi sur Twitter le Premier ministre belge Elio Di Rupo.

En 2009, les États-Unis lui ont accordé le «jazz master award», une distinction rare pour un Européen, et l'Académie Charles Cros lui a décerné en 2012 un prix in honorem pour l'ensemble de sa carrière.