Elles sont dans les succursales d'Énergie Cardio, Aldo, La Baie, Subway, Home Depot, A&W et Reitmans. Dans 72 000 commerces, 105 millions de foyers et 113 pays. On ne les voit pas, mais on les entend un peu partout. Quoi? Les listes de lecture musicales de l'entreprise montréalaise Stingray Digital, qui compte 200 employés et a un chiffre d'affaires de 100 millions de dollars.

Stingray possède notamment les chaînes Galaxie, offertes dans 45 millions de foyers dans le monde, dont 11,5 millions au Canada. Dans ses bureaux design du quartier industriel de Griffintown, des dizaines d'ingénieurs en informatique et programmateurs musicaux bossent derrière leur ordinateur avec un casque d'écoute vissé sur la tête.

Nous avons croisé des anciens de Spectra, Sony, HMV, CISM, CIBL et même l'ancien directeur musical de Mix96, Henry Van Den Hoogen. À notre grande surprise, Patrick Binette est sorti d'un bureau pour nous tendre la main. Dans une autre vie, il a travaillé pour la major Universal et pour MusiquePlus. Son poste chez Stingray: gestionnaire de contenu musical. «Je programme aussi des chaînes (Rock, Urban Beat, Remember the 80's)», souligne le passionné de musique.

En 2007, Eric Boyko, l'actuel président de Stingray, a cofondé l'entreprise avec l'investisseur «Dragon» Alexandre Taillefer. En 2008, Radio-Canada a vendu à Stingray le service Galaxie, qui compte aujourd'hui 400 chaînes. «Nous offrons des programmations distinctes. Notre force, c'est le sur-mesure. Le curating, comme on dit en anglais», indique Mathieu Péloquin, vice-président principal Marketing & Communications.

Stingray a plusieurs services et divisions: The Karaoke Channel, Concert TV, Galaxie Music Videos, et Stingray360, destiné aux commerces (72 000 partout dans le monde, dont toutes les boutiques Aldo). En Europe, l'entreprise montréalaise possède également Music Choice International. Il y a deux mois à peine, Stingray a conclu l'une des transactions les plus importantes de son histoire en achetant DMX Media, un service de musique numérique résidentielle de Mood Media en Amérique latine. Avec cette acquisition, Stingray compte plus de 100 millions d'abonnés partout dans le monde.

«On déploie nos serveurs directement chez les câblodistributeurs. L'avantage, c'est qu'on diffuse du contenu local pour tous les marchés», indique Mathieu Péloquin. Au Canada, les chaînes Galaxie sont également offertes en ligne (avec illico et d'autres opérateurs) et sur les appareils mobiles grâce à une application.

À l'opposé, la radio Sirius fonctionne par satellite. Quant aux services d'écoute de musique en ligne, ils offrent peu de concurrence aux chaînes Galaxie, explique Mathieu Péloquin. Après tout, Galaxie compte11,5 millions de foyers abonnés au Canada.

Les services comme Rdio et Deezer plaisent surtout aux mélomanes les plus férus d'actualité musicale, selon Stingray. «Peu de personnes veulent créer leur propre liste, indique Patrick Binette. Il y a plus de gens perdus dans l'amas de nouveautés qui n'ont pas des heures et des heures à consacrer à la recherche de nouvelle musique.»

«La personnalisation à partir de l'usager a ses limites, ajoute Patrick Binette. La musique, c'est affectif. Il n'existe pas d'algorithme. Pour moi, c'est primordial d'avoir des humains derrière la programmation. Ça reste un travail d'équipe, car il y a une question d'âge et des goûts de chacun.»

Des revenus pour les artistes québécois

Galaxie offre 400 chaînes de musique de différents genres musicaux, programmées par des experts et même des musiciens (Zachary Monson, Charles Boyer). Cela représente au total 18 millions de chansons. Au Canada, on compte plusieurs chaînes francophones. Pour un artiste, la diffusion d'une chanson sur une chaîne Galaxie au Canada représente actuellement un revenu d'environ 1,10$ (voir tableau).

Au même titre qu'un directeur musical d'une station de radio FM, Patrick Binette reçoit dans son bureau des représentants de compagnies de disques qui veulent le convaincre d'intégrer des artistes québécois aux chaînes Galaxie et aux listes d'écoute de Stingray360.

Ce sont des sources de revenus considérables pour les artistes. Ces derniers ont intérêt à réclamer leur dû auprès des organismes concernés, autant au pays qu'à l'international. Un imprésario nous a parlé d'un groupe québécois qui a pu récupérer un chèque de 90 000$ pour des droits d'auteur internationaux tout simplement non réclamés à SoundExchange.

SoundExchange gère pour les interprètes et producteurs les redevances des chansons diffusées sur les radios satellites et certains services de diffusion internet en continu aux États-Unis. Depuis l'automne dernier, Artisti (société de l'UDA) peut les récolter pour ses membres.

En date de novembre dernier, Artisti avait fait parvenir près de 1 million de dollars de redevances américaines à ses adhérents. Près de 2 millions suivront sous peu. C'est énorme. «Cela vient surtout des postes de Sirius, incluant les francophones, mais aussi de Pandora, Spotify, Songza, Last.fm et Galaxie», explique Annie Morin, directrice d'Artisti.

Certains artistes québécois préfèrent toutefois s'inscrire directement à SoundExchange pour le marché américain. Ils doivent alors demander à Artisti une restriction territoriale lors de leur renouvellement de contrat.

Revenus de la SOCAN par chanson diffusée au Canada

Radio commerciale: De 1,50$ à 1,75$

Radio-Canada (national et régional): De 20$ à 25$

Radio non commerciale (CISM, CIBL): De 5$ à 7$

Radio satellite (Sirius): 4,50$

Chaîne Galaxie: 1,10$

(Tarifs variables, source : SOCAN)