Alexandre Désilets n'a jamais paru aussi libre et abandonné derrière son micro. N'ayons pas peur des mots: son troisième album, Fancy Ghetto, est le meilleur disque québécois de ce début d'année.

Il a suffi de deux ou trois questions pour qu'Alexandre Désilets détaille les tenants et aboutissants de son nouvel album Fancy Ghetto, en magasin mardi.

Autant l'auteur-compositeur parle de la création de façon fébrile et émotive, autant rien n'est arbitraire. «Je ne fais aucun pas sans savoir où je m'en vais. Tout est calculé dans mon affaire», dit-il.

Alexandre Désilets sait déléguer et s'entourer de collaborateurs émérites. Mais, contrairement à certains de ses contemporains, il est tout sauf un interprète-marionnette.

«Je commence habituellement par la musique. Dans ce cas-ci, je m'en allais dès le départ dans une vibe dansante et groovy, explique-t-il. À partir de là, mon collaborateur à l'écriture Mathieu Leclerc et moi avons imaginé un univers de nuit, entre le lever et le coucher du soleil.»

Entre-temps, Alexandre Désilets a rencontré François Lafontaine dans le cadre de l'émission de Jim Corcoran. «François m'a rappelé par la suite en me disant: «Ce serait cool de faire de la musique ensemble. Ça tombait bien, je me cherchais un coréalisateur.»

Désilets a débarqué au studio de François Lafontaine avec des maquettes et une vision artistique très précise. «J'avais en tête des images des Talking Heads avec des guitares pop-corn. Je voulais aussi du rock alternatif avec une touche black et très soul. Je voulais que ça bouge et je voyais des gens debout», décrit-il.

À l'instar de plusieurs villes nord-américaines, Montréal vit de nuit dans des quartiers en train de s'embourgeoiser. «Je voyais l'image du ghetto. Des personnages en marge, un peu fringe, qui ne sont pas dans la clique. Des antihéros romantiques qui vivent des histoires d'amour et des rendez-vous manqués.»

«Comment se contenter du ciel quand on peut tomber de plus haut», chante Alexandre Désilets dans le premier extrait Renégat.

Par rapport aux envolées aériennes d'Escalader l'ivresse (paru en 2008) et du suivant La garde (2010), Fancy Ghetto est «moins cérébral, plus physique» et «très pop», indique Désilets.

Tout cela est bien beau sur papier. Encore faut-il que la musique remplisse ses promesses. Une seule écoute de Fancy Ghetto saura vous en convaincre. Les musiques urgentes aux mélodies instinctives sont à l'image de leur genèse.

Il n'a fallu que 10 jours en studio pour tout boucler, grâce à une équipe d'élite composée du bassiste François Plante (Plaster), du guitariste Olivier Langevin (Galaxie, Gros Mené) et du batteur Sam Joly. Il n'était pas question de bidouiller, mais plutôt de «livrer la marchandise» avec le moins de prises possible.

«Je ne suis pas contrôlant en studio. Mais, pour moi, c'est important qu'il y ait un fil directeur et que tout soit cohérent. Après ça, tout est possible», souligne Alexandre Désilets.

La basse de la pièce Hymne à la joie ronronne sur des airs disco, puis un puissant solo de guitare de Langevin éblouit nos oreilles à la fin. Des chocs électriques pop galvanisent Gloire du matin, alors que la power-ballade Rejoins-moi s'entonne en choeur le poing en l'air. En d'autres mots: Fancy Ghetto offre à l'auditeur un joyeux festin d'arrangements.

Danse Lhasa Danse

Alexandre Désilets a fait partie de la troupe Danse Lhasa Danse, une création originale de Pierre-Paul Savoie en hommage à Lhasa de Sela.

«Ce spectacle a changé ma vie en ce sens que la danse s'est intégrée dans ma démarche artistique. J'ai toujours dansé dans mon salon ou dans un party, mais pas plus [...]. Je pensais que ça allait me dérouter, mais plus je dansais, plus j'avais des idées et plus je me sentais inspiré.»

Pour le spectacle de Fancy Ghetto, Alexandre Désilets a des idées plein la tête. «Je veux m'adresser aux corps», annonce-t-il.

Le spectacle-lancement aura lieu mardi prochain au Cabaret du Mile End.

POP CONTEMPORAINE. Alexandre Désilets. Fancy Ghetto. Indica. En magasin mardi.