Pierre Kwenders, 28 ans, est l'un des rares artistes montréalais inscrits dans cette tendance qui ne cesse de gagner en importance: la world 2.0.

Plus précisément, le patrimoine musical de ce chanteur et musicien d'origine congolaise ne s'incarne pas dans une pop exclusivement constituée d'instruments électriques ou acoustiques, comme c'est le cas depuis un demi-siècle de modernité africaine. Les fréquences de synthèse et l'esthétique électronique y sont à la base d'une expression qui n'occulte en rien les racines africaines.

Les ingrédients sont les suivants: soukouss congolais, rumba congolaise, autres pop africaine moderne, hip-hop, soul, électro.

Nous avons fait connaissance dans un boui-boui du Mile End de Montréal. Grand, longiligne, manières délicates, politesse, courtoisie: Pierre Kwenders est un garçon bien élevé, qui ne se fait pas prier pour décrire sa trajectoire, expliquer sa démarche.

«J'ai passé une bonne partie de ma vie au Congo, une autre presque aussi longue au Québec. À travers ma musique, j'essaie de mélanger les deux, car je ne serais pas ce que je suis aujourd'hui sans ces deux cultures», résume l'artiste.

Contrairement à plusieurs artistes de l'immigration qui restent «scotchés» aux musiques d'avant leur départ pour la terre d'accueil, Pierre Kwenders vit sa musique en 2013, sans nostalgie aucune.

«On y trouve un peu ce que j'écoutais quand j'ai grandi: Koffi Olomidé, Papa Wemba, Pépé Kallé, Tabu Ley Rochereau, etc. Ce sont des influences lointaines, mais ces influences ont marqué ma musique et aussi ma façon de chanter. Quand je vivais au Congo, je n'écoutais de l'étranger que le hip-hop, Michael Jackson et la variété francophone. Lorsque je suis arrivé au Québec, l'accès à plusieurs sources musicales m'a ouvert l'esprit. Il y a 10 ans, par exemple, je me souviens avoir eu un choc pour Daft Punk. Aujourd'hui, tout le monde fait ça... Il y avait aussi de la très bonne techno à l'époque, c'était avant l'arrivée de David Guetta [rires].»

Mobadi devient Kwenders

Pour sa vie d'artiste, José Louis Modabi s'est rebaptisé Pierre Kwenders.

«C'est un nom en hommage à mon grand-père, Pierre Kankwendé, qui a été un entrepreneur visionnaire. Dans les années 60 et 70, il possédait une chaîne de librairies qu'il avait nommée Kwenders. Il est mort bien avant ma naissance, mais pour tout ce qu'il a accompli, j'ai choisi ce nom.»

Arrivé au Québec à l'adolescence, José Louis Modabi a été élevé par une mère seule, venue rejoindre sa soeur au Québec. La musique, il l'a apprise d'abord à travers le chant choral. Mais ce n'était pas sa seule passion: intéressé par les affaires, José Louis a démarré une petite entreprise de vêtements avec un copain, Hervé Kalongo, devenu son gérant depuis lors.

«Nous avons rencontré le groupe Radio Radio à la fin d'un spectacle donné à Laval. Nous avons alors fraternisé avec Alexandre Arthur Bilodeau [Nom de plume]. Puis, Alexandre et moi avons commencé à enregistrer des chansons. Moins de trois ans plus tard, les maxis ont été lancés.»

Le label Bonsound a eu vent de ces autoproductions. L'automne prochain, un premier album de Pierre Kwenders sera lancé: Le dernier empereur bantou, rien de moins! Différents collaborateurs y seront associés: Nom de plume, Ghislain Poirier, Samito Matsinhe (originaire du Mozambique) et JUD, issu du milieu hip-hop. «Ce n'est pas pour me vanter, mais je pense que ça va être meilleur. Nous avons plus d'expérience, un meilleur budget, un label de qualité», avise l'artiste.

Nuits d'Afrique Sound System présentent Pierre Kwenders et les DJ Masala, à la Sala Rossa, jeudi prochain, 21h.