L'industrie du disque, réunie à partir de samedi au Midem de Cannes, veut croire à la fin de la crise, mais reste prudente alors que le marché numérique est déjà en train de se restructurer autour du streaming.

«La croissance revient? Rendez-là durable!». Le thème choisit pour le grand rendez-vous annuel du marché du disque et de l'édition musicale (1-4 février) résume bien l'état d'esprit du secteur en ce début 2014.

«Nous sommes au point charnière d'une nouvelle ère de croissance pour la musique. Un moment où il faut se montrer optimiste et travailler ensemble pour être sûr que la reprise de notre industrie s'étende sur chaque marché, qu'il soit émergent ou mature», exhorte le directeur du Midem, Bruno Crolot.

Les résultats enregistrés au cours de l'année qui vient de s'achever illustrent les incertitudes qui entourent le secteur.

En France, le marché du disque est reparti à la hausse (+1%), après dix ans de chute continue. Mais ce bon résultat est le fruit d'une «année atypique», où plusieurs artistes comme Stromae ont connu des succès hors norme.

Ce qui a conduit les producteurs de disques français à faire preuve de prudence, parlant de simple «accalmie» plutôt que d'un retour de la croissance.

L'Allemagne, la Norvège et la Suède sont elles aussi revenues dans le vert. Dans ce dernier pays, patrie de Spotify, le streaming a tiré le marché de 5%, conduisant à la troisième année de hausse consécutive.

Mais l'embellie est loin d 'être généralisée. La Grande-Bretagne devrait connaître un nouveau repli. Aux États-Unis, un seul album, The 20/20 Experience de Justin Timberlake, a dépassé la barre des 2 millions d'unités vendus en 2013.

Modèle économique fragile

Surtout, le premier marché mondial du disque enregistre - comme la France - un recul des ventes en téléchargement. Une première depuis le lancement d'iTunes en 2003.

Pour les observateurs, les ventes numériques, qui devaient compenser à terme la chute des ventes de CD, sont en train d'être «cannibalisées» par le streaming.

«On assiste à une mutation dans la mutation. L'économie digitale toute jeune commence déjà à se structurer différemment», note Stéphane Le Tavernier, le président du principal syndicat de producteurs de disques français (Snep).

Mais si le streaming progresse fortement et attire de nouveaux acteurs, le modèle économique reste fragile et les revenus qu'en tire la filière musicale sont bien moindres que ceux issus des ventes de CD et même des téléchargements.

De Radiohead à Pink Floyd, nombre de musiciens s'estiment lésés par ce mode de diffusion.

La question sera au coeur du Midem dès son ouverture samedi avec un débat sur le thème «Le streaming est-elle une plateforme durable pour les artistes?».

Plus largement, la répartition de la valeur entre les géants du net et les fournisseurs de contenus est soulevée par de plus en plus de producteurs et d'artistes, à l'image de Jean-Michel Jarre, nouveau représentant des auteurs-compositeurs au niveau mondial, qui s'exprimera sur le sujet dimanche.

Côté français, le Midem sera l'occasion pour le secteur de faire le bilan chiffré de l'année écoulée et de porter ses revendications auprès des pouvoirs publics.

De l'évolution des quotas de chansons francophones à la radio à l'avenir de la réponse graduée contre le piratage, les sujets d'inquiétudes ne manquent pas.

La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, qui doit s'exprimer dimanche, a déjà annoncé une réforme d'ampleur afin destinée à unifier davantage la filière musicale et améliorer son financement.