Si Daft Punk et autres représentants de la french touch ont percé à l'international à coup d'électro et de chansons en anglais, la langue de Shakespeare n'est pas toujours la clé du succès à l'étranger pour les groupes français qui s'y essaient.

Fers de lance de la french touch, courant musical électronique né en France dans les années 1990, le duo électro français Daft Punk, qui a raflé les trophées les plus prestigieux des 56es Grammy Awards dimanche pour le succès planétaire Random Access Memories, s'inscrit dans une lignée de groupes français ayant réussi ces dernières années à séduire au niveau mondial.

Tout comme Daft Punk, le groupe de musique électro Air a commencé à séduire les Anglo-saxons dans les années 1990, avant de s'illustrer en signant notamment la bande originale du film Virgin Suicides de Sofia Coppola.

Une trajectoire suivie également par le groupe de rock français Phoenix, qui chante en anglais. Il a connu le succès aux États-Unis et au Royaume-Uni dans les années 2000 avant de percer en France. Dernièrement, le musicien et chanteur français Woodkid, par ailleurs réalisateur prisé de vidéoclips pour Moby, Lana del Rey ou Rihanna, a connu un vrai succès à l'international avec son album The Golden Age, sorti l'an dernier.

Mais plutôt que par la langue, «ces groupes-là ont réussi parce qu'ils avaient déjà un univers. Ils sont arrivés avec des choses très définies, visuellement, au niveau du son, artistiquement, et qu'ils avaient eux-même déjà tout prévu», dit Jean-Daniel Beauvallet, l'un des rédacteurs en chef du magazine musical Les Inrockuptibles, qui souligne le «vrai sens pop à l'anglo-saxonne» de Phoenix et «la puissance de la musique» de Daft Punk.

«Micro-phénomène»

Dans le sillage de ces Français qui réussissent à l'international, de plus en plus de jeunes groupes - à la culture souvent très marquée par la musique anglo-saxonne, et se sentant parfois écrasés par l'héritage de leurs aînés français, d'Alain Bashung à Noir Désir - se sont mis dans les années 2000 à chanter en anglais. Parmi eux, les groupes Aaron, Concrete Knives ou Pony Pony Run Run, ou encore le duo folk de Clermont-Ferrand Cocoon, créé en 2006. Il a connu le succès avec ses deux premiers albums avant de décider de s'arrêter au moins temporairement en 2012.

«Pour moi, le folk ne peut être chanté qu'en anglais», expliquait en 2008 à l'AFP Mark Daumail, l'un de ses deux membres, estimant que «chanter en anglais pouvait permettre à Cocoon de s'exporter» puisque «la France n'est pas une fin en soi».

Mais pour la plupart de ces groupes, le succès international n'a pas été au rendez-vous. «Il y a plein de groupes français qui chantent en anglais et dont le succès ne dépasse pas la Loire!» dit le journaliste musical Olivier Cachin.

«Pour percer à l'international, il faut un niveau d'excellence absolument dément. La règle du «je chante en globbish pour toucher le monde entier», ce n'est pas suffisant. Quelque 90% des artistes français qui chantent en anglais ne passent pas les frontières», renchérit le journaliste musical Bertrand Dicale.

Pour Jean-Daniel Beauvallet également, le succès des groupes français à l'international reste «un micro-phénomène», circonscrit à «3-4-5 groupes maximum».

«Certains ont signé avec des labels anglais ou américains et n'ont pas du tout fait carrière», ajoute-t-il, expliquant que, face à ce constat, la tendance à chanter en anglais, a commencé depuis un ou deux ans à s'essouffler.

«On mesure un retour de balancier très net sur des groupes français qui re-chantent en français, parce qu'ils se sont rendus compte que finalement leurs chances de réussite internationale étaient minces», analyse-t-il. «Ce n'est pas plus mal: ils sont moins formatés et font des choses plus ambitieuses. C'est là qu'ils ont des chances de réussir».