Il nous donne rendez-vous à 9 h dans son studio. Une heure très matinale pour certains musiciens. Mais pour lui, c'est le début d'une journée normale bien remplie, à l'image de la dernière année. Probablement la plus occupée de sa carrière.

Lui, c'est Philippe Brault, grand acolyte de Pierre Lapointe. L'entendre énumérer tous les projets auxquels il a participé en 2013 donne le vertige. Il a réalisé les albums d'Hôtel Morphée, Random Recipe, Dear Criminals, Émile Proulx-Cloutier, Pierre Lapointe et Sylvie Paquette, ainsi que ceux de Philémon Cimon, Salomé Leclerc et Viviane Audet, à venir en 2014.

Pour le cinéma, Brault a signé la musique du documentaire Les fermières et de la «fiction interactive» Émilie. Pour le théâtre, celles des pièces Mommy et de Marie tu dors. Pour la danse, il a accompagné sur scène à Londres la troupe de Frédérick Gravel.

Brault a aussi fait partie de l'aventure du Chant de sainte Carmen de la Main au TNM, dont il a foulé 48 fois les planches au printemps dernier. «C'était gros. Surtout qu'en même temps, on faisait le disque», raconte le père d'une fillette de 8 ans.

Sur scène, Philippe Brault a aussi participé au superbe spectacle de Philippe B et Avec pas d'casque avec le quatuor Molinari, à l'église Saint-Jean-Baptiste.

Vous avez dit occupé?

Bassiste et arrangeur

Philippe Brault, 32 ans, est le fils de Simon Brault, directeur de l'École nationale de théâtre, président de Culture Montréal et vice-président du Conseil des arts du Canada. Il a suivi le parfait parcours d'un musicien non classique: écoles Le Plateau, Joseph-François-Perrault et cégep de Saint-Laurent.

Bassiste de formation, Philippe Brault a chanté au sein d'un groupe appelé Mes voisins n'en peuvent plus, mais il s'est rapidement découvert un intérêt pour les arrangements.

«À 18 ans, j'ai lâché le cégep deux sessions avant la fin, car je suis parti en tournée avec Tomás Jensen comme bassiste. C'est comme ça que tout a commencé. J'ai rencontré plein de monde et je n'ai jamais arrêté. Ça fait 10 ans...»

Un caméléon

Des mondes séparent les différents artistes avec lesquels Philippe Brault travaille. Le musicien est un caméléon de la réalisation.

«Mon travail est de faire ressortir ce qui est particulier dans chaque projet, dit-il. Il y a ma touche, mais le résultat est différent. J'ai le même rapport avec les modes musicales. On ne peut pas prendre n'importe qui et lui mettre n'importe quel t-shirt. Je fais des projets différents, mais je reste dans la même famille d'auteurs-compositeurs.»

En 2013, les artistes doivent travailler davantage pour gagner un salaire satisfaisant, mais ils jouissent d'une plus grande liberté artistique. «Ça bouge à Montréal. Par rapport à il y a 10 ans, il y a un bouillon. Les différentes familles [électro, folk, rock] se parlent et se côtoient.»

Aujourd'hui, il est aussi possible de gagner sa vie «sans toucher au mainstream», car la musique dite émergente touche un plus grand public. «Au Québec, les artistes veulent être "indie", mais ils ont les deux pieds dans la chanson», note-t-il.

Dans la dernière année, Philippe Brault a beaucoup écouté de hip-hop. «Earl Sweatshirt, Chance The Rapper et Kanye West. Je trouve que c'est dans le hip-hop qu'il s'est le plus brassé de nouveaux trucs, et ce sont des trucs qui n'ont pas d'équivalent au Québec. C'est cool de se nourrir de ça et d'essayer d'en semer quelques grenailles dans son travail», dit-il.

Philippe Brault alimente la flamme de sa passion pour la musique. «Le danger est d'oublier que la musique, c'est l'fun et pas juste du travail. Il faut se rappeler à l'ordre, même si on ne jamme plus avec ses chums le dimanche matin. Moi, j'ai besoin d'adrénaline et de triper à chaque projet que je fais.»