Disciple de son célébrissime paternel, le regretté pandit Ravi Shankar, la sitariste et compositrice Anoushka Shankar a prévu une escale à Montréal. Elle compte y présenter la matière de Traces of You, qui met en relief la voix de Norah Jones, sa demi-soeur aînée qui pourrait être perçue comme sa jumelle tant la ressemblance est frappante.

«Depuis longtemps, je voulais travailler avec elle, ce qui impliquait un certain son sur le plan stylistique. Nous ne l'avions fait qu'une fois auparavant, et nous n'avions jamais fait un travail de cette envergure. L'occasion était belle de travailler sur trois chansons avec ma soeur, j'en suis très heureuse», raconte la musicienne, jointe aux États-Unis il y a quelques jours.

Inutile de préciser que Norah Jones, qu'Anoushka qualifie de soeur et non de demi-soeur, ne fait pas partie de la tournée subséquente. On ne recrute pas une star pour n'interpréter que quelques titres pendant une tournée entière. Cela étant dit, la sitariste virtuose se montre très satisfaite du résultat sur scène.

«Nous n'avons fait que quelques concerts jusqu'à maintenant, mais nous sommes tous enthousiastes et excités par ce nouveau jouet. Les musiciens recrutés sont tous très talentueux, cela me permet d'explorer plusieurs territoires musicaux à leurs côtés. Nous jouons les chansons du nouvel album avec entrain, nous en jouons aussi quelques-unes de mes albums précédents. Le programme change chaque soir, je tiens à maintenir la fraîcheur de l'approche. Et puisque nous sommes tous capables d'improviser, la proposition s'en trouve quotidiennement renouvelée.

«Adaptés à la scène, les arrangements nous permettent de la souplesse. Il ne s'agit donc pas de jouer exactement la musique comme on peut l'entendre sur disque. Lorsque j'assiste au concert de mes musiciens préférés, j'aime observer l'évolution de leur matériel. J'essaie de faire de même.»

Ainsi, la formation d'Anoushka Shankar est composée de musiciens aux origines diverses mais résidant à Londres: Ayanna Witter-Johnson, chant et violoncelle, Pirashanna Thevarajah, mridangam et ghatam, Manu Delago, batterie et tambour hang, Sanjeev Shankar, shehnai et tanpura, Danny Keane, piano et violoncelle.

Multi-instrumentiste, compositeur et arrangeur britannique d'origine indienne, le très doué Nithin Sawhney a réalisé l'album Traces of You. Que reste-t-il de son travail sur scène? «Nous jouons sa pièce River Pulse, sans compter plusieurs éléments suggérés à mes propres pièces. Dans les pièces Flight et Indian Summer, par exemple, c'est particulièrement évident. La vision de Nithin se trouve dans les fondements de l'album entier. Sur scène, nous partons de là pour aller plus loin.»

Londonienne malgré l'éducation classique dont elle a bénéficié en apprenant auprès de son célèbre père (mort en décembre 2012), qui fut lui-même un pont incontournable entre l'Inde et l'Occident, Anoushka Shankar s'inscrit dans un courant musical mondialisé. Mais elle n'exclut pas pour autant la très riche tradition musicale dont elle est issue. En témoignent aussi ses albums précédents, dont Traveller (2011), où elle explore les liens entre flamenco et musique classique indienne.

«Il y a dans mon travail mon éducation et ma culture d'origine, il y a la musique que j'ai apprise de mon père. Cela est partie intégrante de mon être, mais il y a aussi cette musique que je veux faire et qui reflète ma dimension multiculturelle. Chez moi, ces deux dimensions ne sont pas étrangères l'une de l'autre. Nithin, avec qui je partage des identités multiples, m'a permis de créer un lien solide entre ces mondes en visant des critères élevés sur tous les plans. Ainsi, plusieurs chansons puisent dans la musique classique indienne, mais leurs arrangements en transforment la facture.»

Vu la participation de Norah Jones à cet enregistrement sous étiquette Deutsche Grammophon, puisque des fédératrices sont inscrites au programme de Traces of You, il est aisé de conclure qu'il s'agit du plus accessible des six albums studio signés AnoushkaShankar.

«Lorsqu'on colle l'étiquette pop pour décrire certaines facettes de ma nouvelle musique, je tends à résister un peu. Car je ne m'identifie pas vraiment aux musiques très grand public, je me vois plutôt comme une musicienne de niche. Cela m'autorise plus de créativité. Or cet album est effectivement le plus pop de tous, cela m'apparaît d'ailleurs étrange, car je peux avoir l'impression d'être plus vulnérable en me rapprochant du grand public.

«Avec Nithin, nous avions discuté de plusieurs directions possibles et nous avons choisi ces mélanges. J'ai ressenti qu'il me fallait créer un album intime. J'ai choisi la proximité de l'émotion et de l'expression. Il me fallait y trouver ma propre vérité, rester honnête avec moi-même.»

Rester honnête avec soi-même, sur les traces du paternel. Traces of You...

Anoushka Shankar se produit mardi, 20h, au Palais Montcalm de Québec et mercredi, 20h, au Théâtre St-Denis de Montréal.