Le disque vinyle vit une véritable renaissance en Grande-Bretagne avec les meilleures ventes depuis dix ans, un phénomène imputable aux amateurs de bon son, aux collectionneurs et aux artistes de plus en plus nombreux à sortir leurs albums en 33 tours.

Pour comprendre le phénomène, une plongée à Soho permet de redécouvrir les disquaires qui ont de tout temps donné une âme particulière à ce quartier branché du coeur de Londres.

«Ils aiment le son, la pochette, le sentiment qu'ils achètent quelque chose de plus spécial. C'est plus réel que d'acheter un tube en format MP3», explique à l'AFP Neal Birnie, le gérant de Sounds of Universe, l'un de ces disquaires.

Près de 550 000 vinyles ont été écoulés depuis le début 2013 au Royaume-Uni, a annoncé mi-octobre le BPI, qui représente l'industrie musicale britannique.

Si cette tendance se poursuit jusqu'en décembre, les ventes pourraient dépasser les 700 000 exemplaires.

S'il ne représente encore que 0,8 % du total des ventes de musique, le 33 tours attire également de plus en plus d'artistes.

Le vinyle le plus vendu cette année au Royaume-Uni est l'album Random Access Memories du duo français de musique électronique Daft Punk, avec son succès planétaire Get Lucky.

David Bowie, qui a sorti en mars The Next Day, son premier album depuis dix ans, et le groupe de rock Arctic Monkeys ont aussi contribué à la popularité du 33 tours.

Paul McCartney, Pearl Jam, Pixies et Arcade Fire ont également sorti leurs derniers albums en vinyle.

«Nous assistons à une renaissance du disque, qui ne relève plus de la ''rétromania'' mais devient le format préféré de plus en plus de fans de musique», estime Geoff Taylor, directeur exécutif du BPI et des Brit Awards, les récompenses britanniques de la musique.

À l'origine du retour de ces galettes musicales créées en 1946 aux États-Unis, la richesse du son par rapport à celle des fichiers téléchargeables en MP3.

«Le format MP ne contient que 5 % des informations présentes dans un enregistrement original», affirmait ainsi en 2012 le chanteur canadien Neil Young.

Les collectionneurs ont également joué un rôle dans leur survie.

À Reckless Records, une autre boutique de Soho, une édition rare de Masters of Reality du groupe de hard-rock Black Sabbath s'est vendue 400 livres (664 $).

Une triple édition de Mellon Collie des Smashing Pumpkins est partie pour 225 livres (374 $). Quant aux premières éditions des Beatles ou des Rolling Stones, elles se vendent 80 livres (133 $).

Les boutiques tenues par des oeuvres de charité sont également des repaires pour amateurs de vinyles.

«Ils viennent au moins une fois par semaine, parfois plus», a déclaré à l'AFP Steve Kelly, le responsable d'une boutique d'Oxfam dans le quartier de Dalston (nord-est de Londres) qui affiche un stock de près d'un millier de vinyles.

Les Belges du duo de DJ Soulwax ont récemment participé à une soirée caritative à Londres où ils n'ont utilisé que des disques achetés dans ce type de boutiques.

Christov Brilliant, un DJ et musicien français installé à Londres, ne partage pas cet engouement.

«Aucun des grands DJ n'utilise encore des vinyles. C'est un peu une mode. En ce qui me concerne (..) nous vivons dans un monde numérique qui offre aussi de grandes possibilités», a-t-il confié à l'AFP.

Pour le critique britannique de musique Pete Paphides, l'attachement aux vinyles est à rapprocher du mouvement Slow Food.

«Le plaisir que vous prenez est souvent proportionnel au temps et aux efforts que vous consacrez. Le sac que vous avez à la main dans le bus pour rentrer chez vous. Les attentes. Son allure, ce qu'on ressent quand on le touche, même son odeur. Et tout cela avant même de l'avoir mis sur la platine».