Beaucoup d'émotion, hier, à la remise de prix annuelle de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ), une rencontre intergénérationnelle où le talent, émergent, actuel ou confirmé depuis des lustres, est encouragé et récompensé.

Beaucoup d'humour aussi... Lauréat du prix Gilles Vigneault de la «carrière en marche», remis par la Banque Nationale, Louis-Jean Cormier a précisé que sa bourse de 10 000$ allait servir à rembourser le prêt personnel contracté à la BN pour produire le premier disque de Karkwa et son premier disque solo: «Nous autres, on n'attend pas les subventions: on emprunte et on le fait!»

Patrick Norman, lui, va s'acheter «un beau set de salon», ce qu'il était d'ailleurs en train de faire quand Diane Juster, la fondatrice de la SPACQ, l'a appelé pour l'informer qu'il allait recevoir le prix François Cousineau (Cogeco) de la «musique de chanson». Le coeur est bien moins lourd... quand on paye comptant.

Beau, beau discours de Patrick Watson, qui a accepté le prix Robert Charlebois (Power Corp.) du rayonnement international. «Comme jeune anglophone, dans le temps, je sentais une petite barrière entre moi et les chansons de Robert Charlebois, a expliqué la gloire de Hudson. Mais j'y voyais aussi un espace de liberté et j'ai compris que c'était ça, être Québécois.»

La première ovation est allée au contrebassiste Michel Donato, à qui André Gagnon a remis le prix qui porte son nom et que Québecor décerne à un créateur de musique instrumentale. Les invités de la SPACQ connaissaient la place de Michel Donato dans le monde de la musique au Québec et au Canada.

Un autre bassiste, Yves Laferrière, a reçu le prix Richard Grégoire (Hydro-Québec) de la «musique sur images». L'ancien du Ville Émard Blues Band et du groupe Contraction a composé entre autres la musique des films Jésus de Montréal (Denys Arcand), de La femme de l'hôtel (Léa Pool) et de la plupart des réalisations de sa compagne, Paule Baillargeon.

Comme à Loto-Québec, les bourses de la SPACQ sont partageables, et c'est ainsi que les Soeurs Boulay (2 fois 2500$) et Ingrid St-Pierre (5000$) se partagent le prix Dédé-Fortin (remis par Loto-Québec) des espoirs de la scène émergente. Les Soeurs B. ont cinq nominations à l'ADISQ, mais restent cool avec tout ça: «On ne s'énerve pas avec les critiques, nous a dit celle qui a le chignon le plus ébouriffé. Et on vire pas folles avec les honneurs non plus... mais on est super contentes!»

Des carrières couronnées

Comme pour Michel Donato, la salle s'est levée pour saluer Guy Latraverse, lauréat de la bourse Pionnier-Bâtisseur remise par Canadian Tire... probablement pour avoir tenu la route comme producteur pendant 50 ans. Zoé Latraverse a accepté le prix au nom de son père, hospitalisé, soulignant devant les auteurs et compositeurs que «sa réussite a été de vous faire réussir».

Évoquant les Barclay et Coquatrix, Luc Plamondon, ému aux larmes, a ajouté que personne n'avait plus contribué que Guy Latraverse, dans les années 60 et 70, à tisser des liens avec le showbiz français.

Aussi pour l'ensemble de sa carrière, Danielle Oderra s'est vu remettre le prix Lucille-Dumont (Industrielle Alliance). Pierre Calvé, l'un des rares chansonniers de la grande époque qui soit encore actif, a reçu pour sa part le prix Sylvain-Lelièvre remis par Fiera Capital.

Les autres prix: Norman Racicot a reçu le prix Luc Plamondon du parolier (Espace Musique); Daniel Léger et Cécile Doo-Kingué se partagent le prix Édith Butler de la Francophonie canadienne (Bell Média); Samian, est lauréat du prix Éval-Manigat (RNC Média) de la chanson multiculturelle. La compagne de Réjean Ducharme, finalement, a accepté pour le parolier et romancier le prix Eddy-Marnay (Production Feeling) pour l'«excellence de son imaginaire». Et du nôtre: on n'a pas vu l'auteur du Violent seul (Charlebois) depuis à peu près 50 ans...