Pour souligner ses 20 ans, l'Orchestre de l'Université de Montréal s'associe à Hubert Reeves dans le cadre d'un concert gratuit où l'on pourra entendre des textes inédits de l'astrophysicien écologiste. Le scientifique québécois, qui publie cet automne un nouveau livre, a répondu par téléphone aux questions de La Presse de sa résidence, en France.

Q: Le concert s'intitule La place de l'homme dans la nature d'après Hubert Reeves. Quelle est cette place, selon vous?

R: «Il y a quelques millions d'années, notre espèce est apparue et s'est propagée sur tous les continents. Depuis, notre intelligence nous a permis de survivre, mais nous l'avons aussi utilisée pour dominer la nature sans tenir compte des risques que cela comportait. Elle nous a permis de développer des moyens de réchauffer la planète, de vider les océans et de détruire les forêts. À cause de cela, notre espèce est menacée. Le défi actuel est de réconcilier notre espèce avec la nature. Nous devons tourner notre intelligence vers la survie en trouvant le moyen de ne pas nous détruire, ce qui est à la base d'un nouvel humanisme où l'être humain n'est pas le centre de tout, mais s'intègre dans une nature dont il dépend et harmonise son rapport avec elle.»

Q: Le discours écologiste n'est-il pas en perte de vitesse?

R: «L'intérêt pour l'environnement était plus présent avant la crise économique de 2008, qui a eu pour effet de faire passer au second plan les préoccupations écologiques. Mais à long terme, il y a tout de même eu une progression de cette prise de conscience au cours du dernier siècle. Elle va revenir à l'avant-plan, notamment à cause de l'épuisement des ressources et de la pollution. Le danger augmente, mais il reste tout de même un mouvement de résistance à cette détérioration. Le but, maintenant, est de remettre ce mouvement en marche. C'est de cela que je parle dans mon livre Là où croît le péril... croît aussi ce qui sauve.» (Seuil)

Q: À quoi peut servir l'art dans ce contexte, et pourquoi vous associez-vous à un concert?

R: «Le but de l'art est de créer des choses nouvelles. Il sert à embellir le monde et à rendre la vie plus supportable. Il y a un parallèle entre les créations de l'artiste et celles de la nature, qui a développé des structures toujours plus complexes à partir des atomes, des molécules et des cellules vivantes. La musique est une partie essentielle de mon existence. Je ne regrette qu'une chose, c'est de ne jamais avoir appris à jouer d'un instrument. J'aime les grands compositeurs, c'est pour cela que je prends plaisir à m'associer à un concert, ce qui permet aussi d'élargir le public susceptible de s'intéresser aux questions fondamentales que je pose.»

Q: Y a-t-il encore une place pour ces questions philosophiques dans un monde dominé par la technique, et sont-elles compatibles avec la science?

R: «La démarche scientifique a pour but de comprendre le fonctionnement des choses. La démarche morale, spirituelle ou philosophique a plutôt pour but de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal et ce qui a de la valeur. Cette démarche morale est un élément indispensable de la vie humaine, qui ne peut pas se passer de ce développement fondamental de la conscience. Ce sont deux démarches différentes, mais pas incompatibles. Elles n'étudient pas le même objet.

Vingt ans pour l'OUM

Jean-François Rivest rêvait depuis longtemps de réaliser un projet avec Hubert Reeves, dont il est l'ami. 

«Toutes les oeuvres du concert sont basées sur l'homme, ses joies, des peines, sa place dans la société et dans la nature. Hubert Reeves a composé des textes originaux spécialement pour nous, qu'il a lus et enregistrés. Nous allons diffuser cet enregistrement avec des images pendant le concert.» 

Le chef a fondé l'Orchestre de l'Université de Montréal (OUM) il y a 20 ans. Il dresse un bilan très positif de ces deux décennies. «Un orchestre est toujours une plaque tournante autour de laquelle des musiciens, des solistes, des chefs et des compositeurs exercent une grande activité créatrice, dit-il. Pour moi, comme fondateur, ç'a été une relation privilégiée avec plusieurs générations de jeunes généreux qui voulaient se dépasser. Aujourd'hui, ces diplômés travaillent un peu partout dans les grands orchestres au Canada.» 

PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE D'ARTS ORFORD

Jean-François Rivest a fondé l'Orchestre de l'Université de Montréal il y a 20 ans.