Sting publie lundi The Last Ship, son premier album de chansons originales en dix ans, ancré dans l'Angleterre industrielle de son enfance et destiné à devenir une comédie musicale sur Broadway.

«Dix ans, c'est long dans la vie d'un auteur-compositeur. J'avais commencé à me demander si j'avais perdu la passion de l'écriture», confie le musicien de 61 ans dans le livret accompagnant l'album.

Depuis Sacred Love, publié en 2003, Sting a pourtant peu quitté le devant de la scène. Il a reformé The Police, le temps d'une tournée mondiale à succès, a joué ses plus grands succès en version symphonique, puis rock.

Sur disque, il a exploré d'autres voies: la musique baroque avec Songs from the labyrinth (2006), un album de reprises du luthiste John Dowland (1563-1626), la musique classique et folklorique avec If on a winter's night (2009).

Mais, dit-il, l'envie d'écrire sur sa vie, de revenir sans cesse sur les mêmes histoires et obsessions, avait disparu.

C'est un producteur de Broadway qui, en lui suggérant d'écrire sur les ouvriers des arsenaux qui avaient marqué son enfance, a provoqué un déclic.

«Une fois que j'ai pris ce chemin, que je me suis mis à parler avec d'autres voix que la mienne, à exprimer des points de vue parfois différents des miens, je me suis rendu compte que ma muse avait été libérée», écrit-il.

«J'ai vomi sur la page des personnages, des histoires, une myriade de voix», dit-il de cette soudaine poussée créatrice.

Située dans les années 80, en plein démantèlement de l'industrie britannique, The Last Ship raconte l'histoire de la construction d'un dernier bateau avant la fermeture d'un chantier naval.

«C'est une allégorie sur l'importance du travail, l'importance de la communauté, avec pour thèmes sous-jacents la paternité, l'exil, l'aliénation, la religion, la rédemption, la mortalité, la passion, l'humour et le courage qui surgissent parfois du désespoir», dit Sting.

Malgré la volonté du musicien de ne plus parler de lui, les chansons versent évidemment dans l'autobiographie.

Ballades traditionnelles

L'action se situe à Wallsend, près de Newcastle (nord-est de l'Angleterre), la ville où Sting, Gordon Sumner de son vrai nom, a grandi avec les ateliers de construction navale pour horizon.

Le personnage principal, qui rêve d'une autre vie et veut voyager à travers le monde, est un double du musicien, jusqu'à son prénom, Gideon. Un choix «inconscient», dit-il.

The Last Ship a été dès le départ écrit dans le but d'être transposé en comédie musicale. Sting s'est entouré de professionnels des planches qui l'ont guidé dans le choix des chansons et la pièce doit être montée à Broadway l'année prochaine.

Si cet objectif donne une cohérence à l'album, c'est aussi sa faiblesse.

Enrichi par ses dernières explorations musicales, Sting sait toujours composer de mélancoliques morceaux jazz-folk, puisant dans les chansons de marins, les ballades traditionnelles du nord de l'Angleterre.

Mais il n'exploite pas complètement cette veine, contraint par la destination finale des morceaux qui l'oblige à des ajouts artificiels. Des duos, des passages parlés, des intonations et accents forcés qui donnent souvent à entendre un Newcastle de pacotille.