Herbert Grönemeyer est une immense vedette dans son Allemagne natale. Il revient chanter à Montréal pour la première fois depuis 1989, avec sous le bras un album en anglais sur lequel il chante avec son ami Bono.

Il y a 24 ans, Herbert Grönemeyer a donné son seul concert à Montréal sur la scène flottante de La Ronde, en première partie de Tom Cochrane. Quand nous l'avions rencontré, le mur de Berlin tenait toujours, l'internet n'existait pas et Grönemeyer n'était connu ici que pour son rôle dans le film Das Boot.

Le monde a changé, Herbert Grönemeyer aussi. Son pays réunifié souffre toujours du fossé entre l'Ouest arrogant et l'Est en colère, constate-t-il. L'homme, lui, a délaissé le cinéma pour se consacrer à la musique, confirmant son statut d'artiste majeur dans les pays d'expression germanique.

En 1998, la tragédie a frappé: à quelques jours d'intervalle, sa femme et son frère ont été fauchés par le cancer. Grönemeyer s'est éclipsé, le temps de panser ses plaies et de se consacrer à ses jeunes enfants. En 2002, il est revenu plus fort que jamais avec l'album Mensch, plus grand succès de l'histoire en Allemagne, un disque qui célèbre le pouvoir de l'amitié et de l'entraide quand la vie semble intenable.

Grönemeyer reprend justement la chanson Mensch en duo avec nul autre que Bono dans son tout nouvel album en anglais, I Walk, et le DVD I Walk Live, témoin d'un spectacle enregistré à Potsdam pour le réseau américain PBS. Ces deux cartes de visite, en magasin mardi, préparent le terrain pour le concert que donneront Grönemeyer et ses musiciens au National le 19 septembre.

L'ami Bono

Contrairement à Antony Hegarty et au guitariste James Bradfield du groupe gallois Manic Street Preachers qu'on entend également sur l'album I Walk, Bono est un ami de longue date de Grönemeyer. L'Allemand s'est engagé dans sa campagne pour lutter contre la pauvreté et Bono est venu chanter avec lui, en allemand, sa chanson Mensch lors d'un grand rassemblement en marge du sommet du G8 en Allemagne en 2007.

Grönemeyer n'a pas eu à demander à Bono d'enregistrer avec lui une version anglaise de Mensch: «Bono était de passage à Berlin et il est venu me voir en studio. Il a écouté ce qu'on jouait puis il m'a demandé de lui envoyer quelques chansons sur lesquelles il pourrait ajouter sa voix. Je m'attendais à ce qu'il chante les harmonies sur To The Sea, sa chanson préférée, mais il a chanté Mensch au complet en suggérant qu'on la fasse en duo. J'étais très surpris, secoué même, et très reconnaissant.»

La connivence entre les deux hommes est évidente dans le DVD quand ils se font face les bras croisés en se toisant du regard pendant le pont musical de Mensch - «Une idée de Bono», précise Grönemeyer - et qu'ils chantent ensemble, avec beaucoup de conviction, Stuck in a Moment You Can't Get Out Of de U2. «Bono ne voulait pas qu'on avertisse le public de sa présence, se souvient Grönemeyer. Quand il s'est pointé sur scène, les spectateurs n'en croyaient pas leurs yeux.»

Grönemeyer et Bono ont un ami commun, le photographe et cinéaste Anton Corbijn. L'Allemand a d'ailleurs joué un petit rôle dans son film Control, sur le groupe Joy Division, et il a composé la musique de deux autres de ses films: The American, mettant en vedette George Clooney et dont on peut entendre la chanson troublante The Tunnel dans l'album I Walk, ainsi que A Most Wanted Man, d'après le roman de John Le Carré, qui sortira en 2014. Corbijn a même signé la scénographie des derniers spectacles de Grönemeyer: «On se connaît depuis 25 ans et nous sommes des amis très proches. Anton est le parrain de mon fils.»

Le défi américain

Grönemeyer partage aujourd'hui son temps entre Berlin et Londres où il a déménagé quand sa femme, malade, a voulu fuir les médias allemands. Il écrit désormais la plupart de ses textes en anglais qu'il se met mieux en bouche et il a l'intention de pondre de plus en plus des chansons différentes dans les deux langues quitte à traduire quelques-uns des ses textes allemands en anglais.

Ce retour en Amérique du Nord après toutes ces années n'est pas dicté par une volonté de percer à tout prix, dit-il. «C'est un deuxième essai, mais on repart à zéro. On le fait surtout parce que ça peut avoir un impact sur notre art que de jouer pour des gens qui n'ont jamais entendu parler de nous. Je ne crois pas que le public va craquer du premier coup, mais à la longue, on va peut-être se bâtir un noyau de fans et se faire de nouveaux amis au Canada et en Amérique du Nord. C'est la route qu'on emprunte qui est importante; quant au résultat, on verra.»

>Herbert Grönemeyer, I walk. En magasin mardi.

>En spectacle au National le 19 septembre.