Au début du mois de juin, Vincent Vallières a lancé Stone, une toune de char envoyée aux radios à peine quelques jours après avoir été écrite puis enregistrée. Il a tenu ce rythme de sprinter et mis seulement une douzaine de jours à enregistrer son sixième disque, Fabriquer l'aube, à paraître le 17 septembre. La Presse l'a rencontré en studio et a entendu trois de ses nouvelles chansons.

«Dans le type de travail qu'on fait, l'art, c'est de capter l'énergie du moment», résume l'auteur-compositeur-interprète Vincent Vallières, installé aux abords de l'immense console du Studio Planet, dans le quartier Rosemont. «On», c'est son guitariste et réalisateur Olivier Langevin, son coréalisateur et preneur de son Pierre Girard et lui, l'habile bricoleur d'instantanés plein d'humanité.

Soucieux de saisir l'instant présent, Vincent Vallières a imposé un échéancier serré à ses deux acolytes de studio au début de la belle saison: avoir un nouvel album sur les tablettes des disquaires le 17 septembre. Olivier Langevin admet s'être demandé si l'imposition d'une telle date butoir n'était pas «un peu débile». Pierre Girard n'en revient toujours pas de la pression que l'auteur-compositeur-interprète s'est mise sur les épaules. En mai, seules six chansons étaient prêtes...

Or, trois mois et demi, plus tard, les voilà avec un disque tout frais. Douze chansons nouvelles enregistrées en l'espace d'une douzaine de jours, parfois même composées dans le feu de l'action et bouclées par l'auteur juste avant de passer au micro. «Souvent, on finissait la journée et la chanson était faite, raconte Olivier Langevin. Il y en a même une que Vincent a écrite le matin en se levant et qui était terminée à midi...»

Vincent Vallières admet être rongé par le doute, maintenant que son disque est achevé. Toutefois, il est le seul qui n'a pas douté du bien-fondé de sa décision de précipiter les choses. Sa ligne directrice a d'ailleurs été claire depuis le début: rechercher la spontanéité et enregistrer live le plus possible. Ce ne serait pas constructif de travailler autrement pour moi», juge-t-il.

Provoquer le destin

Laisser venir les choses, ce n'est pas trop son genre. Vincent Vallières a sorti son premier disque à 21 ans et n'a pas attendu de connaître le succès pour en lancer un deuxième, puis un troisième, Chacun dans son espace (2003), album avec lequel il a véritablement commencé à se faire un nom. Fabriquer l'aube sera son sixième disque de compositions originales en 13 ans. De l'extérieur, on regarde sa discographie comme une oeuvre; de l'intérieur, il l'envisage comme une école.

«Je ne pense pas que je peux devenir meilleur en attendant l'inspiration divine, dit l'auteur-compositeur-interprète. Je pense que je suis meilleur que j'étais, mais j'ai encore à apprendre pour atteindre un niveau supérieur.» Écrire dans l'action est une manière de se développer comme auteur-compositeur. «Il y a des chansons qui mènent à d'autres chansons, qui font juste dégourdir le geste d'écrire, constate-t-il. C'est souvent quand le processus est enclenché que les meilleures chansons naissent.»

Un mois avant la sortie, à l'aube de l'étape ultime - le matriçage -, l'état d'esprit de l'artiste et de ses deux collaborateurs est au lâcher-prise. «On ne peut plus se questionner», dit en riant Olivier Langevin. Pierre Girard, lui, se dit en paix avec les choix faits et les chansons toutes neuves. Quant à Vincent Vallières, il avoue ne jamais être satisfait très longtemps du travail accompli.

«Je ne pense pas qu'on en ait échappé», dit-il au sujet de ses nouvelles compositions. Il est content d'avoir mené le disque à terme. Dans les temps. Avec une plus grande cohérence d'ensemble que ses disques précédents, juge-t-il. Le voilà prêt à les défendre sur toutes les tribunes, en particulier sur scène. Ce qu'il fera dès le 26 août dans le cadre de la tournée Sirius XM, de Rimouski à Sherbrooke.

Fabriquer l'espoir

Ses nouvelles chansons, Vincent Vallières les a placées sous le titre Fabriquer l'aube. La formule est jolie. Mais ce qui importe pour le chansonnier, c'est sa valeur symbolique. «Il est important pour moi que, dans la morosité ambiante, mes chansons portent un peu de lumière. Sans être fleur bleue», précise-t-il.

Sur le plan sonore, l'auteur-compositeur-interprète n'a pas opéré de révolution. Parlons plutôt de consolidation. Sa manière demeure essentiellement folk, assise par moment sur une charpente rock (la basse et la batterie, notamment). Ses collaborateurs et lui veillent toujours à mettre en valeur le grain des instruments, en particulier celui des guitares, dont les timbres se mêlent avec soin.

L'idée de porter de la lumière se transpose dans ces arrangements accueillants, à la fois neufs et familiers, selon ce qui nous a été donné d'entendre cette semaine. Et aussi dans les textes où, sous un quotidien parfois pesant, pointe l'espérance d'une vie meilleure, d'un amour toujours sincère malgré le temps qui passe et qui, souvent, émousse les sentiments.

Ainsi, dans une chanson inspirée par des vers de la poétesse Marie Uguay («Je regarde finir le monde et naître mes désirs»), Vallières chante à sa douce: «Il ne faut pas que ce soit l'habitude, qui nous tienne ici». Deux chansons évoquent le sort des mineurs (ceux de Fermont et d'Asbestos). Celle consacrée à la colonie minière du nord du Québec soulève en filigrane les conditions de travail et les deuils vécus par ces hommes (surtout) coupés de leur famille.

Sa volonté de relever la tête devant l'état du monde, sans verser dans le bon sentiment et sans se prendre trop la tête («Je ne veux pas me prendre au sérieux, même si ce que je fais, je le fais sérieusement», dit-il), s'affirme très bien dans le titre pressenti d'un de ses morceaux: L'amour c'est pas pour les peureux. Vincent Vallières insiste: «Je n'ai pas envie d'être défaitiste par rapport à ma situation et à la situation globale.»

Trio créatif

Olivier Langevin

Guitar hero au sein de son propre groupe, Galaxie, Olivier Langevin est depuis longtemps un précieux collaborateur de Vincent Vallières. On l'a vu sur scène avec le chansonnier à l'époque de Chacun dans son espace et il a coréalisé l'album Le monde tourne fort, paru en 2009. Avec Pierre Girard, il a notamment participé aux disques de Gros Mené et de Mara Tremblay.

Vincent Vallières

Avec On va s'aimer encore, Vincent Vallières s'est finalement hissé parmi les artistes les plus populaires du Québec. Un succès mérité pour cet auteur-compositeur-interprète qui fait son chemin depuis plus d'une douzaine d'années. Il a lancé son premier disque en 1999, à 19 ans, et peaufine depuis un art chansonnier inscrit dans la tradition folk alliant simplicité, limpidité et authenticité. Fabriquer l'aube sera son sixième album.

Pierre Girard

Pierre Girard travaille avec Vincent Vallières depuis longtemps à titre de preneur de son: il était là dès Bordel ambiant (2001) à titre de preneur de son, rôle qu'il a repris pour Chacun dans son espace (2003), disque qu'il a coréalisé avec Vallières et Éric Goulet). Olivier Langevin et lui ont souvent travaillé ensemble, mais se retrouvent pour la première fois sur un disque de Vincent Vallières.

Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

À un mois de la sortie de l'album Fabriquer l'aube, l'état d'esprit d'Olivier Langevin, de Vincent Vallières et de Pierre Girard est au lâcher-prise. «On ne peut plus se questionner», dit en riant Olivier Langevin.