«Marketing buzz dégueulasse». «Magnifique». «Pavé dans la mare». Déjà menacé de censure, le nouveau clip d'Indochine réalisé par Xavier Dolan a enflammé les médias sociaux hier et a réussi en quelques heures à ramener le débat sur l'intimidation à l'avant-plan de l'actualité française.

Sur Twitter, en soirée, les internautes avaient déjà publié des milliers de commentaires hautement contrastés. Plusieurs accusent Dolan et Indochine d'avoir voulu se faire un coup de publicité monstre avec le clip ultraviolent de College Boy - un exercice sans aucun doute réussi. Mais de nombreux autres ont aussi salué le message véhiculé, soit l'indifférence à laquelle se heurtent souvent les jeunes victimes d'intimidation ou d'homophobie à l'école.

«Certains trouvent le clip d'Indochine «violent», a écrit sur Twitter la populaire animatrice télé Émilie Mazoyer. Oui, il retourne le bide en six minutes. Les élèves harcelés vivent cela 300 jours par an. Imaginez.»

Phénomène bien réel

La diffusion de ce clip aux images très dures -on y voit le jeune protagoniste se faire uriner au visage, crucifier et ensuite tirer aux fusils - survient quelques mois après le lancement d'une campagne nationale contre l'intimidation à l'école en France. Le gouvernement a voulu réagir à des études récentes qui montrent qu'au moins un écolier français sur dix est victime de harcèlement en milieu scolaire.

Michel, conseiller d'éducation dans un lycée parisien du 5e Arrondissement, confirme à La Presse que le problème demeure bien réel. Surtout avec le mouvement actuel de contestation du mariage gai, qui mobilisera encore ce week-end des milliers de Français dans le cadre de vastes manifestations.

«Le débat sur le mariage ouvert aux couples de même sexe a engendré un effet collatéral: la libéralisation de la parole homophobe et donc des pressions homophobes, même au sein de l'école, a dénoncé le trentenaire qui a préféré garder l'anonymat. Les choses évoluent, mais le taux de suicide chez les ados et notamment les jeunes adolescents est important.»

Ce professionnel estime que la diffusion du clip d'Indochine, si violent soit-il, risque de favoriser le dialogue sur cette question encore taboue. «Le rôle des artistes est aussi parfois de dénoncer des choses, donc, oui, c'est une bonne chose, d'autant plus qu'il y a un phénomène de vulgarisation du message par ce biais.»

Clip censuré

S'il a fait jaser toute la journée en France hier, le clip de Xavier Dolan reste difficile à trouver sur l'internet, ont déploré plusieurs internautes français. Et sa diffusion à la télévision s'annonce elle aussi des plus limitées.

Françoise Laborde, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et présidente du Groupe de protection du jeune public, a indiqué à plusieurs médias qu'elle visait une interdiction de visionnement pour les jeunes de moins de 16 ans, voire 18 ans. «Ces images-là n'ont pas leur place sur des chaînes consacrées à la musique», a-t-elle lancé.

Moins de 24 heures après sa diffusion, le clip semble malgré tout avoir réussi son pari: faire parler d'intimidation. Et, surtout, d'Indochine et de Xavier Dolan.