On sursaute en voyant le groupe Alt-J en photo, pour la première fois. Notre surprise est la même en spectacle: les membres du quatuor sont si jeunes pour créer une musique aussi savante et enivrante. Et l'exécution a l'air si facile pour un résultat sonore aussi riche.

Des gens auraient payé cher pour être au théâtre Corona rempli à guichets fermés, lundi soir. Le succès critique qu'Alt-J a obtenu avec son premier album, An Awesome Wave (lauréat du prestigieux Mercury Prize), a créé un enthousiasme planétaire. Un enthousiasme à la hauteur de la musique unique du quatuor britannique, qui crée un point de rencontre parfait entre création et satisfaction.

C'était une chance de pouvoir apprécier Alt-J dans une salle intime remplie de cachet comme le Corona. Il régnait une énergie fébrile comme si les spectateurs - particulièrement jeunes sur le parterre - se savaient privilégiés de pouvoir profiter du moment présent.

Alt-J a mis la table avec la pièce Tessellate, puis le spectacle a pris son envol avec les airs rock et celtiques de Something Good. Galopant. Beau. L'auditeur a l'impression de s'élever soudainement dans les airs au son du refrain.

Dire que Joe Newman (voix, guitare), Gwil Sainsbury (guitare, basse), Thom Green (batterie) et Gus Unger-Hamilton (claviers) ont grandi sans nourrir de grandes ambitions musicales. De simples étudiants en art et en littérature qui ont commencé à bricoler de la musique dans leurs temps libres, grâce au logiciel Garage Band. Ce sont l'instinct et les références diversifiées des membres du groupe qui ont fait naître un son et des arrangements originaux, ont-il expliqué en entrevue.

Quant à la voix haut-perchée de Joe Newman, il faut préciser que le chanteur a fait partie de chorales spécialisées dans les musiques sacrées de la Renaissance. À la fois réservé et emporté par son chant, le jeune homme dégage un calme et un bien-être contagieux sur scène.

Un groupe qui compte seulement un album à son actif offre souvent un spectacle court et décevant. Alt-J aura joué une heure à peine. Grâce à son disque ne réunissant que des pièces prenantes de haut calibre, c'était néanmoins une heure de pure béatitude musicale.

L'envolée mélodique de Something Good. Le rock viscéral de Breezeblocks. Les airs inquiétants de Fitzpleasure. La douceur de Matilda. L'émotion et la douceur lumineuse de Bloodflood... Même le chanteur Joe Newman hochait la tête de stupéfaction face à l'enthousiasme chaleureux de la foule.

Au rappel, le public a eu droit à une reprise presqu'a capella de la pièce A Real Hero (tirée de la bande originale du film Drive). Puis la soirée s'est terminée dans la félicité que procure la magnifique chanson Taro.

Les revirements sonores des pièces d'Alt-J viennent illuminer l'intérieur de l'auditeur comme par enchantement. Certains reprocheront peut-être au groupe de ne pas offrir suffisammment de valeurs ajoutées en spectacle. En ce qui nous concerne, la musique nous suffit simplement. Si belle qu'elle s'écoute les yeux fermés.