Une collision frontale a eu lieu au deuxième jour du Forum sur la chanson québécoise. Pierre Bertrand (Beau Dommage) s'est lancé dans une charge contre un système qui favorise selon lui les producteurs et autres gestionnaires de la culture au détriment des créateurs, qui en sont pourtant la source.

«L'argent public va majoritairement aux hommes d'affaires de la culture», a notamment déploré l'auteur-compositeur-interprète, qui en avait visiblement marre d'entendre parler les professionnels de la culture tandis que les artistes se taisaient.

«Je n'ai pas l'impression que c'est un système qui pense aux artistesX, s'est aussi emportée l'auteure-compositrice-interprète Lynda Thalie, qui a appelé à une réforme en profondeur du milieu. «Après les printemps arabe et québécois, il va falloir qu'il y ait un printemps de la culture québécoise!»

Le manque de soutien direct à la création et aux créateurs a été souligné à plusieurs reprises depuis le débuts des conférences, lundi matin. En matinée mardi, une partie de cette frustration mêlée d'inquiétude s'est retournée contre les producteurs de disques.

Solange Drouin, directrice générale de l'ADSIQ, une association de producteurs, venait tout juste de faire une présentation lorsque le coup de semonce est venu. «Je pense qu'on a un petit échantillon d'artistes qui s'est exprimé aujourd'hui et qu'il y en a beaucoup qui se sentent partenaires avec leurs producteurs, a-t-elle souligné. Mais c'est sûr qu'il manque d'aide publique.»

Mme Drouin trouve «navrant» de constater le manque de reconnaissance des rôles de chacun dans le monde du disque. «Un artiste veut créer, oui, mais ça prend d'autres gens pour faire la production et la promotion. Si on ne reconnaît pas ces rôles-là et la façon [dont les producteurs] doivent travailler pour réinvestir sur un autre artiste, on va tourner en rond.»

Lâcher prise

Cet affrontement mis à part, les conférences consacrées au financement de la chanson ont donné lieu à des chocs d'idées moins brutaux et potentiellement porteurs. Nathalie Courville, spécialiste du marketing culturel, a expliqué comment les créateurs et leur entourage peuvent espérer tirer profit de l'internet.

L'industrie de la musique, qui est habituée selon elle de diriger toute la chaîne, doit apprendre à lâcher prise, apprendre à utiliser les outils simples offerts sur l'internet et faire preuve de plus de flexibilité. Elle a aussi insisté sur le concept de «prix dynamique», qui fait qu'un produit peut être vendu à différents prix selon les circonstances, comme les billets d'avion.

La vision la plus radicale de l'avenir est venue de Guillaume Déziel, agent de Misteur Valaire, qui a montré en accéléré comment le modèle d'affaires basé sur la gratuité mis de l'avant par le groupe avait fini par générer un chiffre d'affaires qui atteindra plus d'un demi-million de dollars en 2012.

Ce modèle ne s'applique pas à tous, reconnaît d'emblée M. Déziel, qui juge néanmoins que le milieu fait preuve de beaucoup de résistance au changement. «Le passé a toujours voulu contrôler l'avenir, dit-il. Pendant que ces gens se battent contre le changement, celui-ci s'opère... Il est possible de contourner toute la chaîne entre la pierre précieuse qu'est le créateur et le public. Pendant que tu résistes, le courant te contourne...»

Les participants du Forum sur la chanson québécoise doivent faire le bilan en fin de journée mardi.