Est-il important pour les Québécois d'avoir une culture francophone? La question a été lancée avec inquiétude par la chanteuse Lynda Thalie lors du premier atelier du Forum sur la chanson québécoise, qui se déroule jusqu'à aujourd'hui au Centre Phi à Montréal. La grande séance de remue-méninges organisée par le Conseil des arts et des lettres du Québec vise à trouver des pistes de solution pour assurer le rayonnement et la pérennité de la chanson d'ici.

Ce forum se tient dans un contexte que plusieurs qualifient de «crise». Non seulement le modèle d'affaires de l'industrie du disque a-t-il été heurté de plein fouet par la révolution numérique, mais les statistiques de l'Observatoire de la culture et des communications le démontrent: la place qu'occupe la chanson francophone chute aussi sur le plan du nombre de représentations, de l'assistance et des revenus de billetterie.

D'où la question de Lynda Thalie, qui mettait des mots sur une inquiétude palpable. Ce n'est pas la vitalité de la création qui a été mise en doute, mais la capacité de joindre les amateurs de chanson francophone et d'en renouveller le bassin, en séduisant notamment des adolescents jugés friands de musique anglo-saxonne.

«Il y a un décalage énorme entre nous et nos ados. Ils s'en fichent de ce qu'on dit ici. La chanson francophone, ils la jugent dépassée, a lancé Aïda Kamar, de Vision Diversité, organisme qui fait la promotion des musiques francophones métissées. Pour les rejoindre, la chanson doit le faire à leur rythme à eux et faire écho à leurs préoccupations à eux.»

«Le problème ce ne sont pas les adolescents, c'est nous», a renchéri l'auteur-compositeur Paul Cargnello, reconnaissant le fossé qui existe entre les préférences esthétiques des adolescents et la musique généralement produite au Québec.

Mme Kamar juge toutefois que ce désintérêt «n'est pas un vrai refus» et que les jeunes s'intéresseraient à la chanson en français si elle lui était présentée «dans son actualité».

La place de l'école

L'idée d'un meilleur maillage entre le ministère de la Culture et celui de l'Éducation a aussi essaimé dans les discussions.

«La culture passe par la famille et l'école», a rappelé Colette Brouillé, directrice générale de la bourse RIDEAU. Or, tous s'entendent pour dire que l'intervention doit commencer tôt. Alan Côté, du Festival en chanson de Petite-Vallée, a reconnu le caractère louable des mesures visant les cégépiens, «mais c'est bien trop tard!».

Le milieu vit «avec un modèle construit autour d'une industrie qui n'est plus ce qu'elle était», a ajouté M. Côté, qui a proposé de revoir complètement l'approche du milieu. «Il faut soutenir les créateurs et leurs oeuvres plutôt que les entreprises», a-t-il affirmé.

Lors de son allocution d'ouverture, le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, avait lui aussi placé les créateurs au centre de ses préoccupations évoquant le problème de leur «juste rémunération».

«Favoriser l'accès aux oeuvres ne peut se faire au détriment des créateurs», a précisé le ministre.

Plusieurs des constats et doléances formulés hier sont récurrents: manque d'une salle de 400 à 500 places à Montréal, peu de concerts offerts en français à Montréal et manque d'ouverture des radios commerciales.

«Entre ce qui se vend et ce qui tourne à la radio, il y a un décalage pour lequel je n'ai même pas de mot», a déclaré Éli Bissonnette, qui produit entre autres Coeur de pirate et Avec pas d'casque.