La mort de Yuli Turovsky - que tous appelaient affectueusement Yuli - n'a surpris personne. Souffrant depuis quelques années de la maladie de Parkinson, le violoncelliste et chef d'orchestre de 73 ans ne s'était jamais remis de la mort de sa femme, Eleonora, le 2 mars dernier. «Il va la suivre bientôt...», observait-on dans son entourage.

Le grand départ s'est produit dans la nuit de lundi à mardi.

Yuli Turovsky, né à Moscou le 7 juin 1939, avait travaillé avec Galina Kozolupova, l'une des légendes du violoncelle russe, et avait remporté quelques prix importants. Il se produisit ici d'abord anonymement, comme violoncelle-solo de l'Orchestre de chambre de Moscou, de Rudolf Barchaï. Il quitta l'URSS en 1976 avec sa femme et leur fille Natasha, violoniste comme sa mère. La petite famille, à laquelle s'était joint le père de M. Turovsky, se fixa à Montréal.

Le disparu fonda d'abord le Trio Borodine avec deux amis russes qui venaient eux aussi de sortir du pays : Rostislav Dubinsky, jusque-là premier-violon du Quatuor Borodine (toujours actif, mais composé de musiciens différents), et Luba Edlina, son épouse, pianiste. M. Turovsky fonda ensuite un orchestre de chambre qu'il baptisa I Musici de Montréal, et ce, malgré certaines oppositions. On craignait en effet un gênant rapprochement avec I Musici... de Rome.

Yuli avait «osé» et n'eut jamais à le regretter. Le petit orchestre, qui se plaçait en nette concurrence avec l'Orchestre de chambre McGill (dont Yuli avait été membre à son arrivée ici), donna son premier concert le 8 novembre 1984.

Le succès fut immédiat et dure encore, à travers bien des hauts et bien des bas. Un concert particulièrement mauvais m'avait inspiré un titre d'un seul mot : Ennuisici. Pour l'ensemble, les Musici ont connu une belle carrière, avec de nombreuses tournées partout dans le monde et de nombreux disques, principalement pour la marque britannique Chandos.

Yuli Turovsky dirigea ses derniers concerts chez les Musici en 2011. Péniblement. Il était clair qu'il ne pouvait continuer. Mais il n'avait pas dit son dernier mot. Avant de quitter son poste, il fonda un second orchestre, Nouvelle Génération, formé de ses élèves. On parlait d'une «petite vengeance» à l'endroit de la direction de l'orchestre, qui l'avait invité à céder sa place.

Le musicien, qui s'exprimait dans un très bon français, ne cessa jamais d'enseigner. Il fut principalement attaché à l'Université de Montréal, où il forma notamment Stéphane Tétreault, lequel, tout récemment encore, travaillait toujours avec lui.

Deux honneurs couronnèrent l'an dernier la carrière de Yuli Turovsky. Il reçut d'abord le Prix Hommage lors de la cérémonie des Prix Opus du 29 janvier 2012. Se déplaçant de plus en plus difficilement, il recevait le 11 juin suivant l'Ordre du Canada des mains du gouverneur général David Johnston venu le lui remettre à sa résidence de Notre-Dame-de-Grâce.