Six ans après Des souvenirs devant, Patrick Bruel est de retour avec Lequel de nous, album jalonné de blessures sentimentales, de nostalgie, de deuil, mais aussi d'amitié, offert au Québec à compter de mardi. Le chanteur, qui sera en tournée en Europe dès le mois de mai, promet à ses fans montréalais de revenir en ville l'automne prochain, et pourquoi pas, au Centre Bell.

Vingt-trois ans après les débuts de la bruelmania, l'engouement suscité par Patrick Bruel semble presque intact. Auréolé de ses succès au théâtre et au cinéma avec Le prénom, le chanteur a reçu en France un disque d'or à peine sept jours après la sortie de l'album Lequel de nous, qui s'ouvre avec Dans ces moments-là, la suite de Place des grands hommes sortie en 1989. On y retrouve son groupe d'amis fidèles depuis l'âge de 12 ans, dans des circonstances cette fois beaucoup plus dramatiques.

«Je pensais le faire dans le cadre d'un anniversaire ou d'un mariage, mais on a été rattrapés par la réalité puisqu'il y en a un qui nous a quittés et le jour des obsèques, le texte a pris tout son sens», dit-il avec beaucoup émotion. Il offre aussi à son public une version 2012 de la mythique Cassez la voix avec la chanson Tout change si vite.

Remuer le passé

Bruel propose un album dont la moitié des chansons sont teintées d'histoires d'amour racontées au passé, évoquant des relations difficiles et la séparation. Cette thématique rappelle sa rupture en 2007 avec la mère de ses deux enfants, Amanda Sthers, qui lui avait d'ailleurs écrit deux chansons sur son dernier album.

«L'amour existe et il est magnifique, mais il ne dure pas aussi longtemps que prévu. Il y a des thèmes récurrents, comme la rupture douce. C'est quelque chose qui m'a toujours plu. Je ne parle pas ici de la séparation avec la mère de mes enfants. Il s'agit d'une séparation beaucoup plus complexe. Quand on a des enfants, on ne se sépare jamais vraiment: on est liés à vie. C'est ce que je dis d'ailleurs dans la chanson titre de l'album, Lequel de nous. J'ai eu la chance de tomber sur une femme intelligente et on n'a pensé qu'à nos enfants. Aujourd'hui, nous sommes les meilleurs amis du monde. Alors que dans Viens tout contre moi, je parle d'une histoire différente, qui peut se terminer encore mieux. Ça relève aussi du fantasme, il faut dire!», s'amuse-t-il.

Sur le terrain du hip-hop

À 53 ans, le père de deux enfants et grand amateur de hip-hop a également choisi de s'attaquer à des sujets comme l'intimidation sur l'internet avec Maux d'enfants, en duo avec le rappeur français La Fouine.

«Quand j'ai suggéré d'en faire un titre hip-hop, toute mon équipe m'a regardé bizarrement. On a essayé, et c'était tellement bien qu'on a invité un rappeur pour corroborer le sujet, pour aller plus loin que moi et être en prise directe avec le public.

Ça parle de contrôle parental sur l'internet. Les parents disent souvent attention en traversant la rue, mais moi, j'ajouterais attention en traversant la Toile! La démission des parents est complètement folle! J'ai décidé d'en faire une chanson au cinquième suicide lié à l'intimidation sur l'internet», précise-t-il.

Bruel chante aussi l'actualité avec Où es-tu?, dédiée aux journalistes retenus en otages un peu partout dans le monde. La chanson raconte le quotidien du mari d'une journaliste de guerre. Le texte est largement inspiré de sa rencontre avec les familles lors de concerts hommage auxquels il a participé.

Né à Tlemcen en Algérie en 1959, le chanteur s'est aussi fait un devoir de rendre hommage au Printemps arabe avec Les larmes de leurs pères, titre enregistré avec l'orchestre à cordes de James Sherman à Londres, sur lequel il chante le refrain en arabe. «J'étais devant ma télé comme tout le monde quand c'est arrivé et il y avait cette sorte de liesse!», précise-t-il.

Une muse secrète

Très mélancolique à plusieurs égards, Patrick Bruel entretient le mystère avec J'aurais chanté peut-être, chanson où il parle avec beaucoup de tendresse d'une jeune femme qui a changé le cours de sa vie au début de sa carrière à New York. S'il se garde bien de révéler l'identité de sa muse, il avoue dans le magazine Paris Match qu'il y a vécu quelque temps avec une jeune Brésilienne nommée Patricia, son premier grand amour, dans la Grosse Pomme.

«Tout le monde me demande de qui je parle. Je peux très bien dire: «Ça ne vous regarde pas, imaginez ce que vous voulez.» Au fond, c'est un mix des cinq ou six femmes qui ont compté dans ma vie. Mais ça peut très bien être le public!», explique-t-il.

Bruel se plaît à dire que c'est sans doute son meilleur album. «Je pense qu'il est très réussi. Comme toutes les histoires d'amour, quand ça commence, on ne trouve aucun défaut et on pense que c'est la plus belle histoire qu'on a vécue! Mes albums sont tous très personnels. Je n'ai jamais écrit autre chose que ce que l'autobiographie me dictait. Il est plus abouti, mieux écrit, les textes sont plus forts. Il a l'air en tout cas de plaire beaucoup plus aux journalistes!», dit-il en souriant.