Du bruit ou de la douceur? Deux mois après la sortie du premier disque solo de Louis-Jean Cormier, le charismatique chanteur et guitariste de Karkwa, fallait-il s'attendre à ce qu'il secoue le Club Soda comme à l'époque où Patrick Watson faisait encore la première partie de son groupe ou qu'il berce la foule compacte en usant de ce lyrisme hérité des hommes rapaillés?

Il a fait les deux, bien sûr. Son concert d'un peu moins de deux heures, avec près de 20 chansons au programme,  a commencé par un segment assez rock calqué sur le déroulement de son disque : La cassette, Bull's Eye, Transistors et J'haïs les happy ends. Sa voix, déjà, volait avec grâce au-dessus de guitares et d'une basse tantôt tendues, tantôt saturées ou juste bien grasses.



Louis-Jean Cormier a prouvé maintes fois au sein de Karkwa qu'il pouvait faire à lui seul un vacarme poétique du tonnerre. En solo, curieusement, il s'aventure plus volontiers dans des sonorités acoustiques et s'affiche d'emblée comme un gars d'équipe.  «Je suis un gars de gang, a lancé le chanteur en début de concert. Voilà pourquoi je refuse ce soir de parler au je.»



Ses nouvelles chansons se conjuguent en effet au nous. Soit parce qu'elles misent sur les choeurs (le chant d'Adèle Trottier-Rivard, beau même si elle soignait une extinction de voix), soit parce qu'elles creusent le rapport à l'autre au plan intime ou social. Chose certaine, elles bénéficient toutes de la cohésion extraordinaire de son quintette complété par Marc-André Larocque (batterie), Guillaume Chartrain (basse) et Simon Pedneault (guitare).



Il y a du tonus dans cet ensemble, qui pousse des grondements folk- rock grinçants et habités (Le coeur en téflon). Il y a une aisance pop (l'imparable Tout le monde en même temps, jouée vers la fin de la soirée). Mais il y a de surtout de la finesse. Une sensibilité lyrique extrême qui émeut dans les moments acoustiques et ces envolées dépouillées où les cinq musiciens se retrouvaient autour d'un seul micro à enluminer un air, le colorant de multiples déclinaisons musicales ou vocales.



«Il fait comme les hommes empaillés», a ironisé Louis-Jean Cormier, prévoyant le coup, après un long segment surtout acoustique pendant le lequel il a interprété Au long de tes hanches (sur un texte de Gaston Miron, justement), Les chansons folles, Un monstre et I've Just Seen A Face des Beatles. Oui, c'est vrai, Louis-Jean Cormier a un peu abusé de ces moments de recueillement acoustique, alors qu'on l'aurait voulu globalement plus rock. Tonique et puissant comme dans La route que nous suivons, jouée au rappel.



Mais il a eu raison de miser sur la douceur. Sa nouvelle bande et lui possèdent un tel charisme et ils savent si bien faire dans la dentelle, qu'ils auraient été fou de s'en passer. Et de nous en priver. Le Club Soda, pourtant bien rempli, l'a bien senti et s'est laissé porter, le plus souvent, dans un stupéfiant silence gorgé d'admiration et d'émotion. La magie opérera peut-être encore ce soir, au même endroit.