Quand Barbra Streisand a chanté à Montréal en octobre 2006, le billet le plus cher se vendait 375 $CAN. Six ans plus tard, cette marque sera éclipsée mercredi par la même Barbra: 530 $CAN. Du jamais vu à Montréal. Si ça peut vous consoler, sachez qu'à Brooklyn, où elle a chanté jeudi et remettra ça ce soir, les meilleurs billets se vendent 716,65 $US.

Dans le milieu du spectacle, on estime que le cas Streisand est une exception. Son concert de mercredi n'est pas une première montréalaise comme en 2006, mais il tient tout de même de l'événement. On ne va pas voir Streisand pour entendre son dernier album - Release Me, paru cette semaine -, mais pour se colleter à sa légende.

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«Barbra Streisand est connue pour faire les spectacles les plus chers de l'industrie. Elle a un auditoire plus âgé et plus riche qui lui permet de fixer un prix aussi élevé pour ses billets, contrairement à un artiste plus jeune. Elle ne part pas souvent en tournée, donc on n'a pas beaucoup d'occasions de la voir en spectacle», souligne Gary Bongiovanni, rédacteur en chef du magazine spécialisé américain Pollstar.

Malgré tout, à moins d'une semaine de ce concert, il reste encore des billets à vendre au Centre Bell, dont un certain nombre à 530$. Faut-il s'en étonner quand on constate qu'il en restait également à Brooklyn, sa ville natale, la veille de son concert de jeudi? Et ce même si les New-Yorkais sont généralement habitués de payer plus cher qu'ailleurs pour un spectacle.

Y aurait-il un seuil psychologique au-delà duquel le consommateur refuse de jouer le jeu? Et pourquoi Paul McCartney, fort de sa notoriété d'ex-Beatle qui n'avait pas chanté à Montréal en 21 ans avant d'y revenir en 2010 et 2011 , est-il bon dixième dans le Top 10 des billets les plus coûteux à Montréal ces dernières années, loin derrière Madonna?

Un art

Un artiste réclame toujours un cachet qui correspond à ce qu'il croit être sa valeur dans le marché. «Mais c'est davantage un art qu'une science», convient Gary Bongiovanni. Et, ultimement, c'est le public qui décide.

«Parfois, tu peux diviser le prix par quatre et ça ne vendra pas plus. Mais quand un artiste est hot, tu peux multiplier le prix du billet par quatre, ce que font les scalpers qui réussissent quand même à vendre leurs billets», résume un observateur qui s'y connaît en la matière. Il arrive aussi qu'un artiste comme Bruce Springsteen fixe un plafond pour son billet le plus cher: cette année, il en coûte environ 115$, plus taxes, et frais de service, pour voir le Boss.

Certains artistes et leurs agents sont convaincus que le prix élevé des billets les plus chers peut contribuer à contrer la revente illégale: si Streisand vend ses billets 530$, il sera plus difficile pour les scalpers de réclamer deux ou trois fois cette somme. Il s'en trouve même, dont Streisand à l'évidence, qui croient dur comme fer qu'il y aura toujours des fans irréductibles - et suffisamment nantis - pour payer le prix exigé, quel qu'il soit, pour être assis dans les premières rangées.

«Une certaine catégorie de fans plus fortunés sont prêts à payer un bon prix pour un billet, acquiesce Gary Bongiovanni. La grande leçon de l'année 2010, c'est que les billets les moins chers doivent être abordables. Si les billets les moins chers sont à 60$ et que vous devez les offrir à 2 pour 1 pour les écouler, ce n'est pas mieux.»

Premières rangées

Cette observation va tout à fait dans le sens d'une vieille blague qui circule dans le milieu du spectacle: «Combien de billets j'ai vendus pour mon spectacle? Mille cinq cents, mais on aurait pu en vendre quinze mille dans les dix premières rangées.» En effet, un public comme celui de Barbra Streisand, plus âgé et habitué à un certain confort que celui de One Direction, par exemple, préférera sans doute dépenser quelques centaines de dollars supplémentaires pour être assis près de la scène plutôt que dans les hauteurs du Centre Bell.

Ultimement, c'est le promoteur local - evenko dans le cas de Streisand - qui doit intervenir s'il juge que l'artiste, son impresario et le producteur de la tournée ont des exigences irréalistes, ou trop modestes, par rapport à son marché. «Mais il y a beaucoup d'ego dans l'industrie du divertissement, affirme Gary Bongiovanni. Certaines personnes écoutent les promoteurs locaux, d'autres moins...»

Un fait demeure: le prix moyen d'un billet de spectacle a connu une hausse importante au cours des 10 dernières années. «Les prix des billets ne peuvent continuer de monter aussi rapidement», avertit Gary Bongiovanni.

LA PART DE L'ARTISTE



L'artiste international qui vient chanter à Montréal touche un pourcentage des revenus nets du spectacle, mais il s'assure généralement d'une somme d'argent minimale garantie peu importe les revenus nets du spectacle, L'artiste paie généralement ses frais de production en tournée (son, éclairage) et le promoteur paie les frais de production locaux, comme la publicité, la location de la salle et la sécurité. L'artiste et le promoteur partagent ensuite les revenus nets du spectacle. Prenons un exemple fictif d'un artiste qui joue devant une salle de 12 000 sièges à 100$ le billet, avec un cachet garanti de 400 000$ ou 90% des revenus nets du spectacle.

Revenus bruts (12000 sièges à 100 $) : 1 200 000$

Dépenses :

- 50 000$ Frais de production de l'artiste

- 200 000$ Frais de production du promoteur

- 300 000$ Taxes, droits d'auteur et frais de cartes de crédit

Total dépenses : 550 000 $

REVENUS NETS = 650 000$ ARTISTE (90%, 585 000$), PROMOTEUR (10%, 65000$)

RÉPARTITION DES 1 200 000$ :

Artiste: 585 000$ (49%)

Sur cette somme, l'artiste doit aussi payer d'autres dépenses comme son équipe de tournée et ses frais de transport.

Promoteur: 65 000$ (5%)

En plus de cette somme, le promoteur empoche aussi les frais de services sur les billets, les revenus de concessions durant le spectacle et les frais de location de la salle s'il en est propriétaire.

Dépenses: 550 000$ (46%)

LES BILLETS LES PLUS COÛTEUX À MONTRÉAL

> Barbra Streisand

530$, Centre Bell, 17 octobre 2012

375$, Centre Bell, 15 octobre 2006

> Madonna

372$, Centre Bell, 30 août 2012

350$, Centre Bell, 22-23 octobre 2008

350$, Centre Bell, 21-22 juin 2006

> Rolling Stones

350$, Centre Bell, 10 janvier 2006

> U2

325,30$, Hippodrome de Montréal, 8-9 juillet 2011

> Van Morrison

325$, Wilfrid-Pelletier, 1er octobre 2009

> Elton John-Billy Joel

277$, Centre Bell, 3 juin 2009

> Paul McCartney

269,50$, Centre Bell, 26 juillet 2011

* Le billet le plus cher tel qu'annoncé par le producteur du spectacle. Dans certains cas, moins récents, il fallait ajouter les frais de service et les taxes.