Après deux albums de ses propres compositions et un disque de chansons de Piaf, Martha Wainwright nous revient avec Come Home To Mama dont le titre est tiré de Proserpina, la dernière chanson de sa mère Kate McGarrigle. Un disque dans lequel la soeur de Rufus prend un virage étonnant. Elle s'explique.

Le nouvel album de Martha Wainwright va sûrement étonner ses fans les plus fidèles. Ses nouvelles chansons, Martha aurait pu les chanter à la guitare sèche comme elle les a écrites, mais elle a décidé de les confier à sa bonne amie Yuka Honda, qui les a réalisées. Résultat? Un disque dans lequel les claviers occupent beaucoup d'espace et dont les chansons, sans être dénaturées, prennent parfois des couleurs amusantes sinon exotiques. Par moments, on croirait entendre du Bowie, du Kate Bush ou même du Kraftwerk et on ne s'étonne plus que Martha évoque Vangelis ou encore la chanson Bitter Tears de son frère Rufus, dont la saveur eurodisco l'a séduite.

Pourtant, Come Home To Mama porte la signature indéniable de Martha Wainwright.

Ces chansons, Martha les a écrites un peu avant et après la mort de sa mère Kate McGarrigle, en janvier 2010. Effondrée, elle s'attendait à déverser sa peine dans des chansons intériorisées, sur le mode guitare-voix. «Mais quand j'ai commencé à écrire, il y avait dans mes chansons beaucoup de colère ainsi qu'un peu d'humour noir par rapport au mariage. Il m'a semblé qu'il fallait leur donner la chance d'être pleinement réalisées en tenant un peu plus compte de mes goûts musicaux par opposition au folk ou au alt-country qui sont généralement le fait des auteurs-compositeurs-interprètes. L'idée de travailler avec Yuka Honda est venue de mon mari - le bassiste Brad Albetta - parce que lui et moi on avait trop travaillé ensemble. Et puis j'avais le goût de travailler avec une femme qui privilégie davantage les claviers que la guitare.»

Yuka Honda a fait tout cela et bien plus encore. «J'étais vidée au plan émotionnel et il fallait que j'écrive des chansons, que je m'occupe du bébé... Yuka me servait le thé, elle me faisait à manger, elle me réconfortait, elle prenait vraiment son rôle au sérieux. C'était très agréable.»

Drôle et sexy

Everything Wrong, qui boucle l'album, et Proserpina, que Kate McGarrigle a créée sur la scène du Royal Albert Hall de Londres un mois avant sa mort, ont une facture à laquelle Martha nous a habitués par le passé. L'amie Yuka a collaboré à Proserpina, mais une partie du travail avait déjà été faite à Montréal avec le réalisateur Pierre Marchand peu après les funérailles de Kate. «Je chantais comme ma mère, je fermais les yeux comme pour me rapprocher d'elle, devenir elle», se souvient Martha.

«Proserpina, c'est tout le contraire de sexy», ajoute Martha en faisant référence à la pochette de l'album sur laquelle elle pose nue. Elle n'aurait jamais utilisé cette photo si elle ne s'était pas amusée à la transformer avec une copine. «Je ne voulais surtout pas d'une pochette du type auteur-compositeur-interprète ou encore quelque chose de trop mis en scène dans la veine «nouveau folk» comme une photo d'un Winnebago dans la forêt retouchée avec de la vaseline. Cette pochette n'a vraiment pas rapport, mais je la trouve drôle.»

Martha nous met également en garde contre une lecture trop littérale de ses textes qui peuvent donner à penser que son mariage est un échec. «Pour l'effet dramatique, j'ose aller très loin dans mes paroles, jusqu'à la limite de l'acceptable parce que je parle de ma vie privée, explique-t-elle. J'aime les chansons qui secouent un peu. C'est un rôle que la musique peut jouer. Quand je chante à ma mère, dans All Your Clothes, «my marriage is failing but I keep trying all the time», c'est parce que c'est un sujet dont j'aurais aimé parler avec elle. C'est vrai que le mariage est difficile. Mon mari et moi, on est tous les deux des enfants du divorce. Ça lui a fait un peu de peine d'entendre mes chansons quand on les a jouées sur scène parce que tout le monde savait que je parlais de lui. Mais on en a discuté comme il faut le faire dans un couple.»

La chanteuse estime que d'avoir chanté Piaf lui a été utile pour ce nouvel album: «Sur scène, je chante plus fort, mais en studio j'étais parfois un peu trop précieuse, je perdais un peu de cette intensité. J'ai passé trois ans à chanter ce disque de Piaf et quand je suis retournée en studio avec Yuka, j'ai décidé de tout donner.»

Martha s'apprête à quitter New York pour s'installer à Montréal et elle m'annonce qu'un autre album en français verra le jour au début de 2013, composé de reprises et de trois chansons de son cru traduites pour la bande originale de la télésérie Trauma. On y entendra notamment Dans le silence, une chanson des soeurs McGarrigle que Martha a chantée avec sa tante Anna au Métropolis lors du spectacle en mémoire du technicien Denis Blanchette. Il n'est pas impossible qu'elle nous chante quelques-unes des chansons de cet album à venir dès le 5 novembre au Corona.

Martha Wainwright, au Corona, le 5 novembre.