Le temps vient à bout de bien des choses: de l'amour, de l'indignation et parfois même de nations entières. À cet effritement apparemment inéluctable, Le vent du nord oppose Tromper le temps, un disque qui commence par un cri de victoire.

Qu'un groupe de musique traditionnelle fasse référence à l'histoire ancienne tombe sous le sens. Que Le vent du nord écrive une Lettre à Durham en 2012 sous la forme d'une chanson à répondre a néanmoins quelque chose d'inusité. Faire du vieux avec du neuf n'est pas dans l'ordre des choses, sans compter que, par sa seule existence, la chanson montre encore combien l'administrateur colonial s'est mépris sur l'avenir du français en Amérique.

Intituler leur septième disque Tromper le temps, c'est bien sûr une manière pour Nicolas Boulerice, Olivier Demers, Simon Beaudry et Réjean Brunet de rappeler que, un peu moins de 200 ans après le tristement célèbre rapport Durham, on parle et on chante encore en français au Québec. Une fierté que les musiciens du Vent du nord ressentent aussi sur le plan strictement personnel.

«Faire de la musique traditionnelle québécoise depuis 10 ans, chanter en français et en vivre en faisant partie d'un seul groupe, pour moi, c'est aussi ça tromper le temps», affirme d'ailleurs Simon Beaudry, qui joue de la guitare et du bouzouki au sein de ce fleuron de la musique traditionnelle québécoise.

Se montrer fier de ses racines n'est pas incompatible avec l'ouverture sur le monde. Le 21 janvier dernier, quelques semaines après avoir souligné sa première décennie d'existence au Club Soda, le quatuor québécois a d'ailleurs été l'hôte d'un concert spécial du festival Celtic Connections de Glasgow au cours duquel il a joué avec les groupes Vasen (Suède), Dervish (Irlande) et Breabach (Écosse).

Simon Beaudry ne trouve pas étonnant que son groupe ait fait l'objet d'un tel hommage au Royaume-Uni. «On fait 80% de nos concerts à l'extérieur du Québec, souligne le musicien, qui jouera de l'Alaska à la Nouvelle-Zélande au cours des prochains mois. Un concert comme ça aurait été plus surprenant pour nous s'il avait eu lieu au Québec.»

Du vieux avec du neuf

Tromper le temps sonne comme un retour à la normale pour Le vent du nord après un détour symphonique qui a donné lieu à un magnifique album en 2010. Son nouveau disque aligne de nouveau des chansons à répondre, des reels et des complaintes nourries aux violons, à la guitare, à l'accordéon et à la vielle à roue.

Sous cet apparent retour à un son connu, on déniche néanmoins quelques nouveautés, comme de la guitare électrique atmosphérique dans Le diable et le fermier - où il est question de l'exploitation des richesses - ou un piano presque jazz dans La soirée du hockey. On remarque surtout que les compositions originales occupent une place grandissante dans le répertoire du groupe.

La difficulté de trouver du nouveau dans le répertoire festif, qui a beaucoup été mis de l'avant par les ensembles québécois ces dernières décennies, explique en partie la présence de ces chansons nouvelles faites dans un style ancien sur Tromper le temps. «On a tous des influences diverses, ajoute par ailleurs le guitariste. Mais ça ne veut pas dire non plus que le prochain disque sera plus pop ou qu'il y aura encore plus de guitare électrique.»

Simon Beaudry n'entend pas s'éloigner de la musique traditionnelle - «j'ai baigné là-dedans toute ma vie», dit-il -, mais il entrevoit néanmoins un changement de dynamique avec le répertoire. «Ce n'est plus juste du folklore, mais aussi de la musique inspirée du folklore, croit-il. On est rendu à se dire que la musique traditionnelle va devenir une musique qu'on aborde davantage comme un style que comme un répertoire dans les années à venir.»

LE VENT DU NORD

TROMPER LE TEMPS

BOREALIS