Derrière Aznavour, au centre de la scène de la magnifique Maison symphonique, il y avait une chaise. Noire, comme son costume, et un peu haute, le genre qui évoque le trône d'un réalisateur de cinéma. «Avec l'âge, elle s'est rapprochée», a précisé le vénérable chanteur, annonçant d'entrée de jeu qu'il en ferait usage lorsque la fatigue viendrait.

Or, elle n'est pas venue. Du moins pas beaucoup. Aznavour ne s'y est posé que deux ou trois fois au cours de la soirée. Chaque fois, seulement le temps d'une chanson. À presque 88 ans - il les aura le mois prochain -, il a toujours bon pied bon oeil. Ses traits ont vieilli, bien sûr, mais le geste demeure précis et il a encore du ressort. Mais là voix, est-elle encore là?

Aznavour n'a pas d'emblée convaincu sur ce plan avec un début de concert assez laborieux. Il a entonné Je n'ai pas vu le temps passer d'une voix chétive. La sono, mince et sans rondeur, l'était tout autant. D'ordinaire, ce genre de problème se règle au bout de trois chansons, Hier, c'est tout le premier tiers du spectacle qui en a souffert.

Le chanteur, lui, a donné des signes encourageants dès la quatrième chanson. Après s'être un peu défendu d'avoir écrit surtout des chansons d'amour, il en a chanté une, Tu ne m'aimes plus, tirée de son plus récent album. Oui, Aznavour a fait comme n'importe quel jeunot: il a amorcé son spectacle en imposant plus d'une demi-douzaine de chansons nouvelles.

L'inspiration de ses titres récents, curieusement, n'était pas nécessairement toute fraîche. Ce printemps-là, par exemple, ne parle pas du printemps arabe de 2011, mais plutôt de mai 68. Drôle de décalage. Par moment hésitant et sans grâce, le segment consacré aux nouvelles chansons, qui a notamment voyagé de la musique brésilienne au flamenco, fut sans magie...

Mais Aznavour a du ressort, écrivions-nous. Plus le spectacle avançait, plus il en faisait la démonstration. L'artiste n'a plus l'énergie de sa jeunesse, bien entendu, ni celle d'un homme dans la force de l'âge. Or, à plusieurs reprises, son chant s'est révélé d'une confondante vivacité. Ce fut le cas dans Mon ami, mon Judas, une chanson aux accents disco qui a plus de 30 ans.

Même si son concert n'était pas exclusivement consacré à ses chansons immortelles, Aznavour a amplement puisé dans son répertoire d'hier et d'avant, avant, avant-hier, comme il se plaît à dire: La Mamma, Je t'aime A.I.M.E., Je bois, Sa jeunesse, Paris au mois d'août et J'me voyais déjà étaient du programme hier soir. Et aussi Il faut savoir, qu'il venait tout juste de commencer lorsqu'on a dû quitter la Maison symphonique.

Il lui reste encore quelques concerts à Montréal et à Québec cette semaine. Peut-être reviendra-t-il encore dans un an ou deux? Or, si Aznavour s'avère, à 88 ans, plus convaincant que certains chanteurs qui ont 20 ans de moins, malgré ce nouveau souffle qu'il trouve en deuxième partie de programme, son concert d'hier avait quand même quelque chose du «plaisir fatigué».

Ce soir, vendredi et samedi à la Maison symphonique.