Lorsqu'ils se sont présentés aux tests de son, le mercure était nettement sous la barre des -20ºC. Les membres de la formation portugaise Buraka Som Sistema se sont alors montrés très sceptiques, raconte-t-on du côté de l'organisation de l'Igloofest. Comment l'aire principale serait-elle remplie de monde par un tel froid?

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Passé minuit, ils n'en croyaient pas leurs yeux: 7163 fans de musique électronique s'étaient présentés aux Quais du Vieux-Port. L'incitatif idéal pour accomplir la mission de toute tête d'affiche d'un festival: faire en sorte que le party culmine, que la fièvre du samedi soir soit tangible.

La veille, une foule de même taille a été recensée à l'Igloofest, alors qu'on avait frôlé les 5000 personnes jeudi. Pour le premier des trois week-ends au programme, il y a eu officiellement 19 182 entrées payantes... et ce, malgré les conditions arctiques de samedi.

Vu l'argument météorologique, le public de l'Igloofest est surtout jeune (18-25 ans), mais ô combien motivé à se remuer et s'esbaudir au son de la musique. Plusieurs y peaufinent même leur look hivernal, si ce n'est qu'en portant des lunettes de ski!

Faire la fête

Sur le plan strict de l'envergure artistique, le plat principal de ce premier tiers de l'Igloofest n'avait rien de mémorable, quoique très sympathique et d'autant plus entraînant. Gracieuseté de Buraka Som Sistema, le «kuduro progressif» se veut un mélange de techno angolaise et d'électro européenne ornements brésiliens et attitude hip hop à l'appui. Et alors?

Sur scène du moins, cette musique n'a d'autre objectif que de générer une pop alternative certes singulière, mais relativement légère... à moins que ses leaders ne poursuivent la recherche formelle s'ils désirent laisser une empreinte pérenne. Aucune importance... c'est déjà pas mal plus audacieux que Black Eyed Peas! L'amalgame de Buraka Som Sistema n'a-t-il pas déjà séduit M.I.A.? Et si ces musiciens portugais veulent faire le party avec leurs fans sans se prendre la tête, pourquoi pas?

En fait, ce qui frappait l'imaginaire samedi soir n'était pas tant la révélation musicale que notre capacité à s'éclater par froid intense. Assumer notre nordicité! Dans un contexte de glace (structures à l'appui), de sons et lumières (projections et éclairages top niveau), on peut parler d'un événement de facture unique.

Plus clément

On rappellera en outre que les deux premières soirées de l'Igloofest ont été plus clémentes que la troisième sur le plan de la température, enneigées à souhait. Jeudi, le DJ montréalais A-Trak a fait dans la grosse pop, sauf quelques passages un peu plus costauds et solides séquences de scratch, comme il sait les concocter. Pour le reste, l'approche pop dont A-Trak a fait usage en a déçu plus d'un. Manière de pizza toute garnie, sans angle d'attaque précis, sans subtilité. Osons affirmer que le DJ vedette a multiplié les fautes de goût. Ce soir-là du moins la facilité l'a clairement emporté sur la profondeur.

Avec Mala, qui a succédé à A-Trak ce même jeudi, ce fut tout le contraire: membre du réputé tandem Digital Mystikz, le Londonien a orchestré plus de deux heures de grand DJisme. Superbe progression dramatique, succession cohérente d'ambiances, variations d'intensité, proposition sensible du début à la fin. Reggae, dub et soul ont été brassés dans sa mixtion, sans compter les références jungle, drum'n'bass et (bien sûr) dubstep. Comme ce fut déjà le cas à Montréal (Mutek notamment), nous avons été aspirés par ces brillantes visions technoïdes avec culture afro-britannique (surtout jamaïcaine et soul) en toile de fond.

Comme quoi l'Igloofest peut être plus que du boum-boum.