Elles sont les chansons que lui chantait sa mère et qu'il a reprises pour ses propres bébés. À cause d'elles, Alain Souchon est devenu l'artiste que l'on connaît aujourd'hui. Avec elles, il souhaite maintenant offrir un coup de pouce à des enfants malades.

Le treizième album studio d'Alain Souchon, À cause d'elles est arrivé chez nous cette semaine. Le chanteur français revisite une collection de pièces où l'enfance est à l'honneur et où, entre des airs traditionnels, il chante les mots de Félix Leclerc, de Jacques Prévert ou de Guy Béart. Des chansons qui parlent d'enfance sans être des chansons pour enfants.

Alain Souchon refuse de qualifier À cause d'elles de «véritable album». «Moi, je ne suis chanteur que parce que j'écris des chansons. Chanter les chansons des autres, ce n'est pas mon rôle. Je n'ai pas une voix suffisamment belle. Mais, là, je voulais faire un disque pour la Ligue contre le cancer», indique l'auteur de Foule sentimentale, rencontré à Paris samedi dernier. Il raconte avoir été bouleversé en voyant à la télé des bambins dans des chambres stériles, qui recevaient des traitements contre le cancer. «Ce sont des enfants qui vivent en dehors du monde. Ça fend le coeur», observe le musicien, qui a décidé de faire sa part en s'associant à la Ligue contre le cancer. Une partie des profits engendrés par la vente de l'album À cause d'elles sera remise à l'organisme français et investit dans la recherche et dans le soutien aux familles d'enfants malade.

«Le grand Félix»

S'il a voulu interpréter «des chansons d'enfance», Alain Souchon n'a pas privilégié les comptines et d'autres airs enfantins. «Je trouve qu'on prend souvent les enfants pour des bébés», déplore le père de famille, qui a préféré raconter des histoires, même si elles sont parfois tristes.

«La tradition de la chanson française, c'est de chanter des histoires, opine-t-il. Nous, on vient des troubadours qui chantaient de la poésie. Ç'a donné des gens comme votre grand Félix Leclerc ou les Jacques Brel et Georges Brassens. Ce sont des troubadours.»

Le «grand Félix» est justement bien représenté sur À cause d'elles, même si Alain Souchon l'a découvert un peu plus tard dans sa vie. Il y chante La mort de l'ours avec la certitude que ce récit est de celui qui plaît aux tout-petits. «C'est beau de raconter ça à un enfant, explique-t-il. Il va écouter. D'abord, il va être charmé par la beauté des mots, la beauté du texte, la musique charmante. Et puis l'histoire! Ces animaux qui vivent avec le roi qui est un ours...»

Pour lui, le choix de Félix Leclerc s'imposait: «Tout le monde l'adore ici en France, assure-t-il. Cette voix chaude et cette musique tellement spéciale, tellement unique! On y retrouve un peu d'Europe centrale, un peu comme de la musique juive... C'est plaintif et très joli. C'est beau, la chanson française, quand c'est comme ça, à ce niveau-là.»

S'il admire Félix Leclerc, l'intérêt d'Alain Souchon pour la culture québécoise ne s'arrête pas là. Le Français qualifie Robert Charlebois de «plus grand chanteur du monde»: «Ses chansons sont tellement inventives et poétiques et rock'n'roll... C'est formidable! Il a assimilé son époque», s'enthousiasme celui qui ne cache pas non plus son admiration pour Beau Dommage. «Le phoque en Alaska... Qu'est ce que j'aurais donné pour avoir le talent d'écrire cette chansons-là!», lance-t-il. Il vante la gentillesse des gens d'ici, leur hospitalité, la beauté des forêts et la pureté de l'eau. «On peut boire l'eau des lacs... Chez nous, on peut que faire pipi dedans!», rigole-t-il.

Le chanteur espère d'ailleurs venir faire un tour de notre côté du monde, lorsque son horaire le permettra (il travaille présentement à l'écriture d'un prochain disque, sur lequel il collaborera avec Laurent Voulzy). Il aimerait nous rendre visite avec son fils Pierre, avec qui il a composé la pièce Le jour et la nuit, gravée sur À cause d'elles. Une collaboration spéciale pour Alain Souchon, qui a transmis un bagage musical à ses enfants: ses deux fils, Pierre et Charles (connu sous le nom d'Ours), sont musiciens. En espérant qu'ils le transmettent à leur tour à leur progéniture... «J'espère qu'ils vont avoir des enfants, s'exclame Alain Souchon. Dites-leur, si vous les voyez, qu'ils me fassent des petits-enfants!»

Pour habiller l'album À cause d'elles, bouquet de chansons qui font la part belle à l'enfance, Alain Souchon n'aurait pas pu trouver mieux : le célèbre dessinateur Sempé, qui a notamment donné vie au Petit Nicolas, a accepté de lui prêter son trait de crayon : «J'ai eu la chance que le grand Jean-Jacques Sempé accepte de faire des illustrations pour mon disque, se félicite Alain Souchon. Je lui ai dit de faire comme ça lui chante, de faire des dessins sur l'enfance. Comme toujours, il a fait des dessins très délicats, très profonds, très touchants. C'est un grand peintre, pour moi, et c'est un grand poète. Tout le monde n'est pas un poète ou un peintre...»