Après son aventure avec le groupe Anonymus, Mononc' Serge est de retour, toujours aussi heavy, même en mode Sarge Jazz Band. Mais qu'est-ce que mange Mononc' Serge pour être méchant comme ça?

On ne s'habitue toujours pas au contraste entre le Mononc' Serge en civil, et le Mononc' Serge sur scène. Comment un type aussi déchaîné, en paroles et en musique, peut-il être si doux et gentil en personne? Il y a sûrement quelque chose de thérapeutique dans la violence de ses chansons.

«Je ne suis pas fâché, dit-il, devant café et croissant dans un café d'Hochelaga-Maisonneuve, le quartier qu'il habite. Je ne suis pas quelqu'un qui devient en beau tabarnak, qui s'emporte, mais j'aime ça le faire en musique. Je dirais que je suis peut-être déçu de ce qu'est la vie en général. Tu ne réfléchis pas quand tu fais des chansons. Ça répond à une espèce d'impulsion naturelle. Après ça, j'essaie d'expliquer mes chansons en entrevue, mais c'est toujours quelque chose que je fais a posteriori.»

En effet, comment décrire Ça c'est d'la femme?, son premier album solo depuis son trip avec le groupe métal Anonymus, son dixième en carrière, sinon que «c'est rugueux comme du ciment, c'est comme une poignée d'gravier qu'on frotterait su' tes tympans», tel qu'on peut l'entendre sur la chanson Le joual?

Ce disque n'écorche pas seulement les oreilles, il fait mal à l'âme aussi un peu. Que ce soit la vision tellement cheap de la femme, le regard sans pitié sur Hochelaga-Maisonneuve, la vie de loser de musicien, l'opportunisme du chanteur engagé ou la haine du «vieux péquiste», Mononc' Serge fesse en bas de la ceinture, mais rien chez lui n'est jamais à prendre au premier degré - bien que la tentation soit forte, souvent. C'est le danger.

«J'en ai très conscience. Je fais des affaires que je prends au second degré, mais c'est limite, c'est ambigu. La musique est pour moi un espace de liberté où je peux dire une chose et son contraire. J'aime le rire jaune. Le malaise. Provoquer.»

C'est pas parce qu'on rit...

Dans tous les albums de Mononc' Serge, il y a de ces cris du coeur qui se transforment en coups de poing sur la gueule, et c'est pas parce qu'on rit que c'est drôle. Quand on entend dans la sombre Vieux péquiste des phrases comme «Si y'a de quoi qui brime mes libartés, c'est crissement pas le Canada, c'est pas les states ni le capitalisse, c'est toé vieux péquiste», on pense à un Elvis Gratton devenu punk.

«C'est un ramassis de trucs que j'ai entendus à gauche et à droite, explique-t-il. Le sous-entendu derrière ça, c'est l'éternel Think Big. J'aime bien cette chanson, l'atmosphère est glauque, il y a une rage contenue... Mais je trouve ça triste, ce constat.»

Oui, parce que Mononc' tout en célébrant le joual, s'inquiète pour l'avenir de la langue française. «Je suis ambivalent. J'aime le joual. On peut crier à l'impureté, mais c'est quand même une langue ancrée dans une réalité, qui a sa beauté, et qui ne se substitue pas au français. Il ne faut pas que le joual devienne une excuse pour la médiocrité. Ce que j'aime le plus de ce qui se fait au Québec présentement est en joual, je pense à Desjardins, Adamus. Mais ces gens-là savent écrire en français standard. Si tu soignes ton langage dans le rock, ça enlève le caractère brut de ce que tu as à dire.»

Ce caractère brut passe aussi par la musique. Pour la première fois, Mononc' Serge a composé ses chansons sur la musique d'un autre, son guitariste Peter Paul. Moins métal qu'avec Anonymus, mais on reste dans le gros rock sale et le langage grossier.

Mollesse générale

De là à passer à l'anglais, il y a une marge, pour Mononc' Serge. «Bien des groupes que je connais chantent en anglais. Des francophones. Je trouve ça dommage. C'est plate qu'on soit rendu à ce que la langue dans laquelle tu veux spontanément chanter, c'est pas ta langue maternelle. Il y a comme un aplatissement, une uniformisation. Au Québec, on est «décomplexé» de chanter en anglais, c'est maintenant une «libération». C'est comme si on disait: bon, enfin, on n'a plus honte de travailler au salaire minimum! Il y a comme une espèce de défaite culturelle là-dedans un peu déplorable.

«J'entendais l'autre jour Robert Charlebois dire qu'une langue, ça ne se défend pas avec des lois, mais avec des chansons, poursuit-il. Il se vantait un peu de son apport, mais je trouve que ça passe autant par la politique que par les chansons. Je pense qu'on est en train d'abandonner tranquillement les deux fronts. Dans les années 70, il y avait une volonté collective de représenter au Québec quelque chose de différent, de particulier par rapport au reste du monde. Cette volonté est toujours là, mais la volonté de s'intégrer ou de s'aligner au reste du monde semble plus forte que celle de préserver quelque chose. Je suis assez pessimiste. J'ai l'impression qu'il y a une mollesse générale.»

Rien de mou dans la musique de Mononc' Serge, véritable tonifiant en période trouble. Juste pour les durs de durs, mais, comme le dit la chanson Serviteurs du métal: «Faites-vous pas avoir par leur air méchant, tous les dimanches, ils vont souper chez maman» !

Mononc' Serge sera en spectacle le 28 décembre aux Foufounes électriques à Montréal. Pour en savoir plus sur sa tournée au Québec, visitez le site www.mononc.com

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Rock

Mononc' Serge



Ça c'est d'la femme!

Indépendant/DEP

Photo: DEP

Ça c'est d'la femme! de Mononc' Serge.